Contribution FSU relative au projet de création d’un nouveau diplôme de niveau V

La Commission Paritaire Consultative (CPC) de la branche sport et animation a engagé une réflexion sur la rénovation des diplômes de niveau V (actuelles BAPAAT). Vous trouverez ci-dessous la contribution de la FSU à cette réflexion :

Nous avons exprimé nos réserves sur la nouvelle architecture des formations dès la mise en œuvre de la rénovation de la filière. Celles-ci demeurent. Nous ne partageons pas les fondements idéologiques de cette rénovation.

La note s’inscrit toujours dans la même quête de l’adéquation emploi/formation et la même analyse de la relation emploi/qualification :

  • Les employeurs créent l’emploi donc il leur revient de définir les qualifications et donc les formations. Et au passage « qualifications » et « formations » deviennent des « compétences ».
  • L’ensemble s’inscrit dans le modèle économique de la compétitivité reposant sur la baisse des salaires et la création d’une économie de services et donc d’emplois de services.

Nous ne nous inscrivons pas dans ces postulats et donc dans les constructions qui en découlent.

Nous affirmons au contraire que le champ de l’animation et du sport relèvent prioritairement de missions éducatives. Cela nécessite des qualifications de haut niveau, des moyens en matière de formation (dont un renforcement du service public)  et des reconnaissances salariales.

Nous voulons rappeler que l’Etat n’est pas étranger aux évolutions de l’emploi dans le secteur associatif. Les conditions de travail, les rémunérations des salariés associatifs, leurs formations, leurs qualifications dépendent de politiques publiques. Il n’est pas possible de penser l’emploi associatif, ses qualifications, ses modalités d’intervention sans étudier aussi les modes d’intervention de l’Etat social[1].

Nos réserves sur l’exposé des motifs

 

L’impact sur toute la filière

Une filière existe déjà du niveau 5 au niveau 1.  Retravailler un niveau 5 a des impacts sur l’ensemble de la filière. Il convient d’évaluer prioritairement ces impacts.

 

Que devient le niveau 4 ?

Un accord avait été construit pour que cette inscription dans le champ éducatif nécessite au minimum un niveau 4. Les « prérogatives d’exercice en autonomie » ne s’expliquent pas seulement pour des raisons de sécurité, mais aussi pour des raisons éducatives. Désormais le niveau 4 pourrait servir de caution au recours à des adjoints de niveau 5. Là où le niveau 4 se justifiait par le face à face avec les groupes, par glissement, ce face à face serait effectué par des niveaux 5 placés sous l’autorité (?), la vigilance (?), la responsabilité (?) d’un niveau 4.

Ce n’est plus le même métier au niveau 4 : coordonner, impulser, diriger, relevaient des niveaux 3 et 2.

Si un niveau 5 peut encadrer de l’activité, il entre en concurrence avec les BP. Et puisqu’il s’agit de résoudre des problèmes de compétitivité (cf infra), un niveau 5 « coûtera » moins cher qu’un BP.

Et comme pour les CQP dont les heures étaient limitées, qui ira vérifier qu’il est réellement en position d’adjoint ?   

 

Et le niveau 1 ?

Tout d’abord il nous paraît que les considérations sur la nécessité de créer une filière complète ne sont acceptables que si un chantier s’ouvre également sur le niveau 1.

Il faut étudier prioritairement l’impact sur toute la filière d’un niveau 5 aux prérogatives renforcées.

Il faut ouvrir également un chantier sur le niveau 1

 

Les besoins repérés

La note repère 2 champs dans lesquels il y aurait des besoins (et donc des emplois) de niveau 5 :

  • les entreprises équestres (« pour des raisons de compétitivité»), c’est à dire que ces entreprises, comme tant d’autres hélas, font reposer leur viabilité économique sur la baisse des salaires.
  • les collectivités territoriales, car le contexte est celui d’un recours aux diplômes non professionnels dans le champ du périscolaire, suite à une réforme des rythmes éducatifs. Rappelons que cette réforme a transformé des heures d’enseignement scolaire, financées par l’Etat en « nouvelles activités pédagogiques » financées par les municipalités. Autrement dit, des temps éducatifs ou scolaires assurés jusque-là par des enseignants titulaires d’un master (cadre A de la fonction publique) peuvent-être confiés à des personnes titulaires d’un niveau 5 (cadre C de la fonction publique) ou salarié du secteur privé sans qualification professionnelle.

 

Il conviendrait d’étudier davantage cette demande des entreprises équestres. S’agit-il vraiment d’éducateurs sportifs ?

Il conviendrait de porter aussi à la connaissance de la CPC les préconisations 3 à 6 du rapport  de la sénatrice Françoise Cartron, remis au premier ministre en mai 2016. Le projet de création d’un diplôme de niveau 5 converge -opportunément ?- sur certains aspects avec les préconisations du rapport. 

Nous rejoignons le vœu du CSFPT relatif à l’obligation de diplômes professionnels dans l’animation socio-culturelle[2] dès que celle-ci concerne plus de 80 enfants pendant plus de 80 jours. La réglementation relative aux taux d’encadrements d’ACM doit également être revue. Il convient de revenir aux taux de 1 pour 10 et 1 pour 14.

 

D’autres besoins sont repérés :  celui de l’insertion sociale et professionnelle de publics fragiles dans les métiers du sport et de l’animation, ou de publics de niveau scolaire CAP/BEP, voie de promotion pour les jeunes les moins qualifiés, pour les jeunes déscolarisés, dès 16 ans.

Si des parlementaires se sont inquiétés de la suppression du BAPAAT, faut-il a contrario susciter des questions écrites s’alarmant de la transformation des métiers du sport et de l’animation en opportunité pour accueillir des publics fragiles ?  Est-on bien certain que l’éducation puisse être assurée par des publics fragiles ? Les expériences de grands frères ont montré leurs limites.

Les organismes de formation ont expérimenté les impasses des dispositifs d’insertion qui orientent vers les métiers du sport à partir d’un goût exprimé pour le sport.

Découlent de cette logique de l’insertion des interrogations sur les niveaux d’exigence trop élevé pour le public visé … du CQP.   

 

Pour faire des métiers de l’animation et du sport de véritables métiers il convient de sortir du discours de l’insertion des publics fragiles pour valoriser l’utilité sociale ou mieux encore les missions d’intérêt général de ces métiers.

La question du niveau d’exigence des candidats aux métiers doit être subordonnée à la question du niveau d’exigence visée pour les publics destinataires des activités d’animation ou sportives.  

 

La nécessité d’un point d’entrée pour les parcours de formation

Alors qu’il s’agit d’une priorité gouvernementale, nous sommes surpris de ne pas voir valorisé l’engagement et en particulier l’engagement bénévole ou le volontariat. Le premier point d’entrée est aussi le bénévolat, la pratique amateur, … L’entrée dans les métiers se construit aussi par la présence de structures, de professionnels de qualité sur tous les territoires.

L’entrée dans les formations peut démarrer à tous les niveaux de la filière. L’expérience sociale, l’engagement doivent être valorisés.

Le principe d’une première étape de professionnalisation, conçue pour des publics déscolarisés, dès 16 ans, doit être abandonnée.

 

La question des financements

Actuellement, le financement des formations professionnelles avec ou sans niveau 5 est problématique. Cependant ce n’est pas l’existence d’un diplôme d’Etat qui déclenche un financement, c’est sa reconnaissance par le financeur. Les BAFA et BAFD sont financés et l’on pourrait même découvrir que des préformations aux métiers du sport et de l’animation ont trouvé des financements.

Nous avons aussi pu observer que les conseils régionaux dans une logique d’insertion sociale et professionnelle finançaient exclusivement les premiers niveaux de qualification. Avec la création d’un niveau 5 nous pouvons craindre que ceux-ci ne réservent leurs financements qu’au niveau 5 au détriment des niveaux 4 et ces priorités pourraient se trouver renforcées par la politique d’encouragement de l’apprentissage.

Pour ne pas tirer les qualifications vers le bas de la filière, maintenir a minima à leur hauteur actuelle les financements des diplômes des niveaux supérieurs.

 

La polyvalence

L’exposé du besoin d’un premier niveau d’animation polyvalente vient questionner le terme même de polyvalence. Le niveau 4 comporte déjà de la polyvalence. Comment être encore plus polyvalent au niveau 5 sans changer de métier ? S’affrontent ici deux conceptions du métier :

  • un métier d’accompagnateur social, d’agent(e) de médiation, information, services,
  • un métier d’éducateur/animateur.

Les BPJEPS APT, LTP, animation sociale sont déjà polyvalents. Comment garantir que l’employabilité du niveau 5 ne se construit pas sur un dumping des qualifications et des salaires ?

Valoriser les compétences techniques. Remplacer la polyvalence par la pluri-technicité. Abandonner la double compétence sport/animation. S’autoriser à sortir du schéma des 4 UC.

 

La création d’un nouveau niveau 5 pour trouver un débouché provisoire au conflit sur les diplômes et les taux d’encadrement dans la mise en œuvre des rythmes éducatifs et des PEDT.

Notre revendication avec les syndicats de salariés et les fédérations d’éducation populaire, au CNEPJ notamment, pour demander que cessent les dérogations relatives aux taux d’encadrement et le recours aux diplômes non professionnels, dans la mise en œuvre des nouveaux rythmes éducatifs et des PEDT pourrait trouver un débouché provisoire dans la création d’un nouveau diplôme de niveau 5. Le niveau 4 doit rester le niveau minimum de référence du métier.

Un diplôme d’Etat de niveau 5 permettrait de limiter les recours aux diplômes de branche de type CQP qui par leurs prérogatives viennent se substituer aux diplômes de niveau 4 (la limitation par le volume horaire autorisé n’étant pas un frein suffisant). Le niveau 5 doit s’inscrire dans une démarche d’acquisition progressive de compétences suffisantes pour l’exercice d’un véritable métier qui reste à préciser à ce niveau et être un socle solide pour intégrer des formations de niveau 4 avec des passerelles clairement définies.

 

Aux conditions énoncées ci-dessus s’ajoutent les questions suivantes :

Le ministère ne mettrait pas en chantier un nouveau niveau 5, sans l’accord des employeurs de la branche. Or, quels sont les engagements de la branche de l’animation et du sport si ce niveau est créé ? Quel classement, quelle rémunération pour quelles prérogatives ? Quelles conséquences pour l’ensemble des métiers de la branche ? Ainsi, il ne sert à rien de créer une qualification de niveau 5 si dans les branches professionnelles celle-ci n’est pas reconnue.

Quels objectifs en matière de financement de la formation à ce niveau et quelles conséquences pour les formations aux autres niveaux ?

Quelles conditions de travail ? Quelles quotités de travail ?

Quel avenir pour les CQP ? Pour les TFP ?

Quels engagements du côté de la fonction publique territoriale sur ces mêmes questions ?

Quels engagements du ministère pour le service public de formation ?

Quels engagements pour maintenir des exigences d’entrée et de sortie de formation, ainsi que des volumes qui ne soient pas sacrifiés sur l’autel des économies budgétaires.

Une année d’ENA coûte 86 000€, un étudiant à l’université 13 000€ au budget de l’Etat, combien un animateur ou un éducateur sportif ? La mention des volumes « trop lourds au regard des coûts » n’est pas entendable. Il y a un droit de tous à la formation. Pourtant, plus le niveau de formation est élevé, plus on se forme. Pour renverser la donne commençons par donner du temps de formation à celles et ceux qui en ont eu le moins et, sans s’interdire d’en repenser les modalités.

Peut-on partager la volonté de s’engager dans une démarche visant l’élévation générale des qualifications et permettant à toutes et tous de renouer avec le plaisir d’apprendre dans une perspective émancipatrice ?

 

[1]             Matthieu Hély (2009) montre qu’il y a désormais plus de salariés dans le secteur associatif que dans la fonction publique territoriale. Se dessinent des courbes où à mesure que baisse le nombre de fonctionnaires,le nombre de salariés associatifs augmente. Selon lui, on assisterait moins à un désengagement de l’Etat qu’à une recomposition des fondements de l’Etat social et de ses modes d’intervention.

[2]     Nous demandons même une Loi-cadre de l’éducation populaire.