Le service civique : entre arnaque et régression

Les associations et fédérations d’enfance jeunesse se sont prononcées massivement en faveur de la mise en place d’un service civil volontaire alors que les organisations syndicales y étaient fortement opposées. L’opposition tenait aux craintes exprimées sur la détérioration des conditions d’emploi et de rémunération des salariés associatifs.

Institué par la loi du 30 mars 2006 pour l’égalité des chances, le service civil volontaire a été remplacé par le service civique initié par Martin Hirsch, créé par la loi du 10 mars 2010. Des jeunes volontaires âgés entre 16 et 25 ans peuvent « s’engager » dans une collectivité territoriale ou dans une association pour une durée de 6 à 12 mois. Mais cette classe d’âge, n’est en rien exclusive. D’autres « volontaires », avant l’admission à la retraite peuvent aussi « s’engager » avec des conditions de soldes encore plus dérisoires.

Pour obtenir un agrément, l’objet et les activités de l’association doivent être liés à l’un des domaines suivants : le développement international et l’action humanitaire, l’éducation, le sport, la culture et les loisirs, l’environnement, la mémoire et la citoyenneté, l’intervention d’urgence en cas de crise,·la santé,·la solidarité.

Il n’est pas difficile d’obtenir un agrément. Les conseillers « jeunesse » de l’ex jeunesse et sports et les conseillers de l’ex Acsé sont missionnés pour solliciter l’adhésion d’associations à ce dispositif. Il faut « placer » du service civique et trouver des jeunes volontaires. C’est leur mission première… Il est fini le temps où les conseillers d’éducation populaire apportaient aide et soutien aux initiatives locales. Le gouvernement veut les transformer en agents de recrutement.

Il faut faire du chiffre et pouvoir placer dès 2010 entre 5 000 et 10 000 « bénéficiaires » pour parvenir théoriquement à 75 000 sur cinq ans. Les jeunes « travailleront » 24 heures par semaine pour recevoir 540 €. L’État prend à sa charge 440 € et les cotisations sociales, l’association complétant par une indemnité de 100 € (en monnaie ou en nature). Le service civique étant régit par le code du service national le code du travail ne s’applique pas. Les recrutés seront ainsi largement sous le seuil de pauvreté. Pour certaines associations intervenant dans le champ éducatif ou social, ce dispositif paraît une aubaine. Mais aujourd’hui les masques tombent. Si les jeunes précarisés sont les premières victimes d’un système poudre aux yeux qui consiste à faire baisser artificiellement les chiffres du chômage, les organisations, hier enthousiastes se mordent aujourd’hui les doigts.

Le Communiqué du CNAJEP, coordination de toutes les associations enfance jeunesse et d’éducation populaire est sans ambiguïté : « Aux promesses politiques du Gouvernement s’oppose le désengagement budgétaire de l’État. Tel est le constat amer qui ressort de l’analyse du budget alloué au programme 163 « Jeunesse et Vie Associative » du projet de loi de finances 2011/2013.


Un budget « siphonné » par le service civique

L’analyse superficielle du PLF 2011/2013 aurait pu laisser croire à une revalorisation du soutien de l’État aux politiques de jeunesse et d’éducation populaire. Pourtant, les apparences sont trompeuses. Le service civique fait office de faux-nez pour tenter de masquer le désengagement massif et continu de l’État dans son soutien aux activités portées par les associations de jeunesse et d’éducation populaire. Le budget « Jeunesse et Vie associative » se trouve ainsi cannibalisé par le service civique, qui ponctionnera 45.9 % du budget total du programme 163 en 2011 et 65.2 % en 2013 !


Le soutien aux associations raboté

Le PLF 2011/2013 marque une remise en cause brutale et programmée du soutien aux associations de jeunesse et d’éducation populaire, tant au niveau national (une amputation de 8.7 % des crédits alloués aux conventions partenariales en 2011, qui atteindra 18.3 % en 2013) qu’au niveau local (les crédits dédiés aux associations locales, qui s’élevaient en 2010 à 8.35 millions d’euros, étant intégralement supprimés dès 2011). Cette situation est d’autant plus paradoxale à l’heure de l’accroissement des besoins de formation et d’accompagnement liés à la montée en puissance du service civique et à l’accueil des volontaires.


Les associations de jeunesse et d’éducation populaire menacées

A travers ce projet de loi de finances, l’Etat fait le choix de concentrer ses maigres moyens sur des programmes et dispositifs qu’il gère en direct (Service civique, CIDJ, INJEP, AFPEJA, OFAJ, etc.), au détriment d’une politique d’accompagnement et de développement de la vie associative autonome. A ce désengagement de l’Etat vient se greffer une fragilisation de la capacité financière des collectivités territoriales, sous l’ effet conjugué de la refonte de la fiscalité locale et du gel des dotations aux collectivités annoncé pour 2011. Les associations de jeunesse et d’éducation populaire, qui ont développé des partenariats privilégiés avec l’Etat et les collectivités, risquent de payer un lourd tribut de cet «effet ciseau» dévastateur.


A l’heure où les besoins éducatifs, culturels et sociaux se font grandissants, le CNAJEP et ses membres émettent une alerte sur les conséquences désastreuses de ce projet de loi de finances pour les associations de jeunesse et d’éducation populaire et pour les activités qu’elles génèrent en direction des populations. »

La situation est grave et présente des risques : sous un couvert humanitaire et bien-pensant, on organise l’emploi de plus en plus précaire de jeunes pauvres et non formés (ce n’est pas leur faute). On imagine facilement ce que le gouvernement compte faire comme emplois dans la santé, l’éducation, les situations de crise (à quand le remplacement des grévistes ? à quand l’emploi dans les services d’urgence des hôpitaux ?), ce sera bien pire que les « emplois jeunes » et les AVS qu’ils vont probablement remplacer puisqu’on détruit en 2011 60 000 emplois de CAE/CUI ! Pour ne pas laisser ces jeunes dépourvus, les associations se retrouvent en situation de faire l’avance des 440 euros de l’État, espérant que ce dernier honore son engagement. On peut en effet ne pas être rassurés sur la pérennité du service civique. Les associations déjà fragiles, consentent des avances qui entament encore un peu plus leurs moyens ! Par comparaison avec les emplois jeunes, le service civique accentue la dégradation. Les emplois jeunes avaient, en principe du moins, une formation professionnelle qualifiant. Elle a existé dans certains cas. Dans le service civique il n’en est pas question. De nombreuses associations vont devoir serrer les boulons, voire même licencier du personnel, faute de moyens. Encore une fois ce sont les salariés qui vont régler la note la plus salée. Il est temps d’agir et de combattre la politique enfance-jeunesse de ce gouvernement qui étrangle les associations d’éducation populaire et de jeunesse, réduit les crédits aux collectivités territoriales qui connaissent , elles aussi des difficultés.

Jean-François CHALOT