Déclaration FSU CTM du 7 décembre 2016

Ce CTM va être le dernier de l’année 2016. À quelques mois de l’échéance du quinquennat, il vient s’inscrire dans une ponctuation de notre bout d’histoire ministérielle. Or notre histoire au sein des ministères dits sociaux est aussi décevante qu’un discours de façade en janvier 2012 au Bourget si on commet l’erreur fatale de croire à son orientation.

Il n’y a que les benêts pour croire aux promesses électorales nous dit-on. Mais benêts nous voulions l’être car faire de la politique ce n’est pas mentir, ce n’est pas trahir. Si on est élu sur un programme qu’on n’applique pas, comment ne pas discréditer toujours plus profondément ce qui fonde la démocratie républicaine ? On ne fait qu’alimenter le « tous pourris » et les politiques du pire. Nous n’attendions pas qu’on rase gratis. Nous n’attendions pas des envolées salariales à la hauteur des pertes subies, des mesures catégorielles fricassées à l’argent du beurre pour les fonctionnaires ou autres retours sur investissement lié à un bulletin de vote. Nous savions que l’époque était au maigre pour les Français les plus modestes. Nous savions qu’il n’y a pas de fée à Matignon, à Bercy ou à l’Elysée pour que par baguette magique la France cesse d’être vice-championne d’Europe des dividendes servis aux actionnaires du CAC 40. Nous étions lucides. Mais nous voulions croire qu’au moins une rupture plus visible s’exercerait. En particulier dans une fonction publique d’Etat qui était laminée par les destructions d’emplois et parfois plus durement encore par la RGPP.

Alors certes l’emploi public n’a plus été détruit partout. Il a même été restauré dans certains secteurs. Le nier serait pure polémique. Mais la RGPP a été prolongée par la MAP, de même facture. Sur le plan indemnitaire, la PFR libérale et réactionnaire a été rebaptisée RIFSEEP, sans pour autant rompre avec son socle rétrograde où le mérite se confond avec une médiocratie à récompenser. Il a fallu attendre la fin du quinquennat pour vérifier une augmentation symbolique du point d’indice et un transfert primes/points promis qui n’aura aucune incidence pour l’immense majorité des actifs.

Pour ne pas trop gercer ce qui reste de nos sourires il vaut mieux ne pas évoquer la loi Travail, la loi Macron, le CICE, l’ANI et autres pactes de responsabilité qui ont été autant de révélateurs d’une politique qui prenait un cap à peine différent de celui poursuivi lors du quinquennat précédent. Forcément, à l’heure des bilans, au sein des cabinets ministériels, on ne peut partager ce ressenti qui claque comme un désaveu. Mais les faits sont là, têtus. Le discrédit s’est durablement installé. Il ne sera pas levé en quelques mois, d’ici le printemps. Le mal est fait. Il est terrible dans les milieux populaires. Ce quinquennat n’a pas seulement provoqué un champ de ruines politiques au sein d’une gauche dont il continue à se revendiquer. Il entraîne aussi dans son sillage une part du syndicalisme.

Nous l’avions dit en 2012. L’équipe arrivant au pouvoir n’avait pas le droit de décevoir sauf à plonger notre pays dans un désarroi profond, sauf à sombrer et avec elle tout un ensemble de forces de progrès dont les syndicats participent. Cet échec est aussi le nôtre, celui de l’impuissance des syndicats de progrès à pouvoir agir sur nos destinées en ouvrant d’autres pistes que celles des confrontations qui épuisent et nourrissent les ressentiments. Par sa méthode brutale le gouvernement a ruiné une trop large part de son propre électorat. Le formuler n’est pas l’exorciser. Le formuler c’est constater là où ça fait mal, sans s’en réjouir politiquement. Ce n’est pas notre cas.

On aurait pu espérer dans notre sphère ministérielle quelques avancées. Mais, dès les premiers mois d’exercice il nous a fallu admettre qu’il n’y aurait pas de changement ni maintenant, ni plus tard pour renouer avec un ministère jeunesse et sports enfin sauvé de la machine à tout faire disparaître des ministères sociaux. Pendant plus d’un an nous avons boycotté tous les CTM, y compris certaines CAP ce qui n’était jamais advenu dans notre histoire collective. Nous l’avons fait sans plaisir face à un gouvernement sans état d’âme laissant officier sa haute administration sur une stratégie confirmée où ce ne sont plus les ministres qui ont la main sur leur administration mais les secrétaires généraux et leur DRH. Nous avons vérifié notre faillite à ne pas pouvoir faire bouger les lignes de forces d’une gouvernance anesthésiante où du haut fonctionnaire à l’agent tout est à ranger en tiroirs/cases. Tout est interchangeable. Le travail en est dévitalisé. Les DRH aux manettes orchestrent les mutations en cours. Les métiers sont à confondre avec l’emploi. Les statuts sont des survivances obsolètes, racornis de recours en recours sous houlette de Conseil d’Etat.

En six années, de janvier 2010 à décembre 2016, seuls les conseillers techniques sportifs ont maintenu globalement leurs effectifs et leur identité professionnelle. Les conseillers d’animation sportive et les conseillers d’éducation populaire et de jeunesse s’étiolent par érosion de postes en directions régionales et transformation d’emploi en directions départementales. Les formateurs en établissements diminuent eux aussi au gré des mutations voulues pour les CREPS et écoles nationales. Les effectifs de l’inspection fondent. Ils sont désormais exposés au même phénomène de disparition que les autres corps jeunesse et sports. Mais le fleuron de la couronne mortuaire est à décerner à la filière administrative de l’éducation nationale quasiment décimée en cinq ans par maltraitance de proximité, par chantage au salaire en DD/DR induisant soit le retour à l’éducation, soit la fusion et disparition dans la filière des ministères dits sociaux. Il y une dizaine d’années nous étions plus de 8 000 électeurs inscrits pour désigner le CTM jeunesse et sports, désormais nous peinons à atteindre les 5 000. Quelle performance, quel mérite, quelle récompense pour les chasseurs de masse salariale, les coupeurs de fonctionnaires voués au pilori de la dette publique !

L‘arasement en cours des pratiques professionnelles, du travail réel, plus subi que choisi, est désormais à peu près l’ordinaire en DDCS, accentué par une majorité de l’encadrement et de sa maîtrise intermédiaire « cerveau » assistée. On aurait pu attendre d’un gouvernement et de sa majorité sensible à la politique sociale qu’on remédie à une organisation du travail harcelante. Mais rien n’y a fait. Le rendez-vous social a été manqué là aussi. Et le champ de ruines évoqué plus haut qui affecte certains partis politiques et syndicats se confirme dans ces DDCS jusqu’aux DRDJSCS dont les restes finiront tôt ou tard en bureaux de préfectures.

Nous allons tout à l’heure porté avis sur le temps de travail en directions régionales dites JSCS et autres services assimilés. Là encore c’est l’alignement par le bas. La condamnation à court terme de ce qui reste d’emplois originaires de l’éducation nationale. Cette dégradation est voulue au nom d’une confusion sémantique où le mot harmonisation remplace par mégarde celui d’uniformisation. Le régime politique qui a initié la RGPP n’avait pas osé cette détérioration. L’actuel s’y livre par assimilation et obédience au secrétaire général du gouvernement. Il a fallu batailler des mois pour sauver l’article 10 des personnels techniques et pédagogiques voué aux gémonies par des hiérarchies régionales se demandant pourquoi ces personnels existent encore. C’est la MAP en goguette et le travail en miettes. Les cerveaux ont devoir de conformité aux besoins de l’entreprise administrative.

Même la gestion indemnitaire fait l’objet de dissensions jusqu’alors évitées. En 2014 une rupture sans précédent sur l’équilibre des régimes indemnitaires jeunesse et sports a déclenché un conflit interne qu’y compris la ministre de l’époque ignorait. Depuis, alors que chaque année nous alertons sur la nécessité de revoir les taux indemnitaires des personnels techniques et pédagogiques en prenant les arrêtés nécessaires, rien n’est fait. Rien n’a été fait en 2015. En 2016 la DRH s’est exécutée si tardivement que rien n’est encore possible à acter. Pire la note du DRH en date du 16 novembre dernier stipule sans sourciller que la gestion des reliquats doit « pouvoir récompenser l’implication et la manière de servir […] en élaborant ses propres attributions individuelles ». La formule est en lisière de tautologie administrative, se suffisant à elle-même, ignorant encore une fois les établissements. Les équipes de direction se sont engouffrées dans cette manière de penser. Cette doctrine de progrès a permis de décréter au sein d’un conclave de direction des critères locaux pour fièrement border des décisions d’une objectivité à couper au couteau. Cette note dans son libellé encourage et couvre une pratique détestable qui conduit chaque directeur de DD ou DR à laisser s’il le veut, sa maîtrise de pôles arbitrer dans les éléments de salaires. Le scénario que nous redoutions s’est produit. Ce CTM est un lieu de double discours. On nous affirme d’une part que des formations vont être dispensées à l’encadrement pour lui permettre de mieux évaluer, pour former des évaluateurs qui ne le sont pas encore. Mais avant cela on livre sur un plateau la faculté de moduler des salaires de manière discrétionnaire. Cette pratique est humiliante. Encore faut-il en avoir conscience. Elle fait des ravages là où les modulations ont été décidées. Dans le domaine jeunesse et sports ces modulations ont un autre inconvénient. Elles entrent en contradiction avec des déontologies et pratiques de formation. La performance n’a pas le même sens en langage sportif qu’en novlangue de gouvernance. La récompense suppose aussi d’en être privé. La malice veut que ce soit sous un ministre progressiste que des syndicalistes aient à constater des conceptions qui relèvent ordinairement d’idéologies classiques des régimes conservateurs. Ces pratiques de discrimination qui individualisent les traitements prennent à contrepied nos démarches professionnelles. Elles sont contraires à ce que nous prodiguons pour que certains jeunes ou des populations s’essayent à modifier leur condition humaine, en commençant par ne pas subir. Cette GRH dans son vocabulaire, dans son style, n’est pas progressiste. Elle a emprunté ses références à une gouvernance d’apparence inoffensive mais parfaitement adaptée au « problem solving » d’une gestion d’entreprise ordinaire et libérale. Derrière cette méthode il y a toute une vision du monde, des rapports humains. Nous espérions mieux d’un gouvernement qui, sans être laxiste, aurait dû pouvoir insuffler d’autres valeurs. Le bon grain et l’ivraie sont donc question d’euros.

Il faut finir. Tout a une fin. Cette déclaration aussi. Cela va en soulager certains. Tout a une fin : le ministère et ces locaux aussi. Le SG MAS vient d’annoncer le 10 novembre que les administrations centrales des ministères du travail, des affaires sociales et de la santé, de la jeunesse et des sports seraient regroupées au plus tard à horizon 2020. Avec l’accord des ministres concernés, en mars 2017 un scénario serait adopté. Non seulement il y a là enfermement dans le scénario de la disparition jeunesse et sports par atomisation sempiternelle hors d’un pôle ministériel éducatif mais le spectre de la fusion se dresse en perspective. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce nouvel avatar de la RGPP/MAP qui constitue un facteur supplémentaire d’intense satisfaction pour les salariés les plus désabusés ? Seul le site de Duquesne survivrait à la volonté centripète de France Domaines et de Bercy.

Comment un esprit rationnel peut-il considérer sans trouble une contradiction apparente ? D’un côté, sur ordre des laveurs de concepts de la cohésion sociale, on pousse les feux de la fission jeunesse et sports et d’un autre, en même temps, on porte une revalorisation PPCR des personnels techniques et pédagogiques qu’on condamne par ailleurs ? Pinçons-nous ! Le dernier CTM a bien adopté des textes déclinant le PPCR de l’éducation nationale aux personnels techniques et pédagogiques de la jeunesse et des sports ? Il est vrai que depuis un long voile de silence fait que, soit le temps suspend son vol, sidéré par tant d’incongruité, soit les dossiers sont en souffrances comme le tout le reste dans l’air du temps. La DRH MAS vient de communiquer sur PPCR appliqué à notre champ. Pas un mot n’est dit sur les mesures spécifiques à certains corps. Vous avez dit bizarre ? Bizarre comme c’est étrange. La FSU estime qu’il ne faut pas attendre plus longtemps une réponse du guichet unique pour réunir un groupe de travail à l’image du CTM afin d’envisager la déclinaison PPCR concrète sur les corps. Ainsi les ratios pour l’accès à la hors classe sont entièrement à revoir car inadaptés aux nouveaux viviers éligibles (9e échelon au lieu de 7e), les conditions d’accès à la classe exceptionnelle doivent faire l’objet de concertation, des éléments de GPEC doivent être débattus… Attendre c’est donner un très mauvais signal. C’est ajouter à la méfiance qui frappe les responsables politiques et syndicaux.

Oh ! À propos de ratios ! Dernière question subsidiaire : comment expliquer aux collègues professeurs de sport qui attendent leur changement de grade à la hors cl
asse depuis un an qu’ils vont devoir changer d’année en attendant toujours ? Ce dysfonctionnement est indécent. C’est toujours du jamais vu en matière de politique sociale.

Et si notre histoire n’était plus qu’un jeu de rôle ? Une devise Shadok l’affirme qui pourrait nous être appliquée : « Il vaut mieux pomper d’arrache-pied même s’il ne se passe rien que de risquer qu’il se passe quelque chose de pire en ne pompant pas ».

Une autre devise plus douloureuse qui renvoie à la période électorale désormais ouverte : « On n’est jamais aussi bien battu que par soi-même ». Aïe !