Transfert au MENJS

Transfert au MENJS, désunion syndicale : c’est pas l’homme qui prend l’amer, c’est l’amer qui prend l’homme.


Le 14 octobre 2020 laissera un goût amer pour EPA et probablement pour nombre de collègues qui, quel que soit leur statut, veulent voir avec lucidité le sort réservé à ce qui fait sens dans le travail et la mission de service public « jeunesse et sports ». Le transfert au MENJS se fera par décalque de l’existant, dans l’opacité des choix locaux, avec une dégradation du dialogue social au moins pendant deux ans, quels que soient les « habillages » verbaux de certains syndicats ou de l’administration.
En 2010, la Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP) avait contraint à une disparition programmée des métiers et de la mission éducative au sein des Affaires sociales. Elle a abîmé durablement les conditions d’exercice professionnel. Quitter le SGMAS s’imposait pour ne pas y perdre tout sens éducatif et ne pas finir en préfecture. Le ministère « jeunesse et sports » s’est largement forgé sur les ferments du Conseil National de la Résistance. Rejoindre l’éducation nationale, où il est né dans sa version moderne, pouvait être une occasion de refondation. Que nenni. C’était oublier le lobbying des préfets, le poids de l’Elysée utilisant la piétaille « jeunesse et sports » pour imposer le service national universel et autres hochets de dispositifs. C’était oublier la technocratie gouvernementale au service du désengagement du « sport pour tous » avec une Agence nationale concoctée avec le CNOSF. C’était aussi oublier la culture syndicale hyper corporatiste des syndicats JS majoritaires qui ne voient midi qu’à leur porte.

L’entrechat d’une intersyndicale atomisée qui danse avec un loup


L’intersyndicale « jeunesse et sports » (SNAPS, SEP, A&I, SNEP, EPA, SNPJS) a vécu. Son mérite aura été d’obtenir le transfert au MENJS dans un combat long, qui aura duré plus de cinq années. Mais il se solde par une désunion et une atomisation gravissime où les deux syndicats disciplinaires du sport jouent leur partie en solo, prenant le risque majeur de fracturer les versants « sport et jeunesse ». Il ne subsiste qu’un ersatz d’intersyndicale, côté JEP, qui tente encore de faire du collectif (SEP, EPA, SNPJS). Mais c’est une peau de chagrin dans le rapport de forces. Que pèsent 75 % des CEPJ (soit en gros 300 collègues), face à 60 % des professeurs de sport (soit en gros 1 200 collègues). Quant à l’inspection elle est ailleurs, préoccupée par sa chaîne de commandement, ses emplois de direction. La CFDT et Solidaires sont dans une autre posture qui mise sur l’isolement pour attirer les déçus d’un syndicalisme décevant.
EPA n’a cessé de relancer l’intersyndicale pour au moins préparer ensemble le comité technique ministériel du 14 octobre engageant notre avenir. Mais lors du comité technique ministériel les syndicats catégoriels du Sport, de la Jeunesse, de l’Encadrement, ont joué leurs propres partitions (dans les deux sens du terme) avec leurs interlocuteurs (soi-disant) respectifs des cabinets, des directions « métier » et RH.
Lors de travaux consternants actant la création des DRAJES et des SDJES dans des projets de décrets et la disparition du dialogue social local, EPA a proposé aux autres syndicats le principe d’un protocole pour arracher une étude d’instances provisoires de dialogue social spécifiques JS dès le 01/01/2021. Car à cette date les CT/CHSCT vont tous disparaître dans les DR/DD. Cette proposition a débouché sur un texte intersyndical communiqué à la DRH et aux cabinets. L’UNSA et d’autres syndicats ne l’ont pas défendu le 14 octobre en séance, se laissant convaincre par la mise à l’étude de groupes de suivis locaux informels dont on sait ce qu’ils vont être : des lieux d’information partielle incapables d’agir sur les micro-organigrammes, incapables de laisser traces des tensions et contradictions flagrantes d’approches entre les logiques préfectorales et l’enjeu de la continuité éducative qui devrait préoccuper les rectorats.
Cette déshérence n’oppose pas les syndicalistes réformateurs aux « révolutionnaires » des pôles de radicalité. C’est bien plus grave. Elle exprime en creux les fractures de fatigue d’un rachis syndical hyper catégoriel focalisé qui sur les CTS, qui sur les CEPJ, qui sur les CAS, qui sur l’inspection, qui sur la filière administrative, qui sur les établissements. Au lieu de travailler le transfert au MENJS sur le sens de missions à revaloriser, nos ministres organisent un redéploiement de la haute performance sur les CREPS, continuent à réduire le nombre de conseillers d’animation sportive dans les services en les traitant comme des tâcherons polyvalents. Ce transfert prépare en coulisses la montée en puissance du SNU et du service civique avec des objectifs chiffrés sous les ordres des préfets et recteurs. Et les syndicats s’occupent des bordures, des microcoupures !
Tout ça pour ça ! Un cartel d’accompagnement plus ou moins critique de la réforme s’est dégagé le 14 octobre (UNSA + SNEP-FSU) se positionnant soit favorablement soit en abstention sur l’essentiel des textes. Y compris sur le décret instituant les DRAJES qui donne une place excessive au ministère de l’intérieur (via les préfets), il n’a pas été possible d’aller plus loin qu’un vote en abstention. Alors qu’on y vérifie le maintien des logiques de dispositifs. Alors que ces textes font entrer la préfectorale dans les rectorats via le cheval de Troie « jeunesse et sports », on ne peut obtenir mieux qu’un vote majoritaire en abstention ! Pathétique. EPA ne portait pas le transfert au MENJS pour changer d’appartement mais pour changer de paradigme en travaillant au fond la continuité éducative.

Vivre la route. Ne jamais quitter la route. Toujours plus loin, toujours en exil. (Richard Bohringer)


EPA a été fondé il y a 30 ans. Il est l’un des douze syndicats fondateurs de la FSU. Notre intitulé « Education Pluralisme Action solidaire » indique bien ce qui nous justifie : la démarche éducatrice de l’éducation populaire appliquée au sport, le respect du pluralisme qui tolère de ce fait y compris les altérités qui génèrent de la dispute, et la recherche d’une action commune qui seule donne du sens au concept de solidarité. C’est pourquoi nous avons toujours porté la volonté de l’action unitaire à « jeunesse et sports », malgré des divergences. Nous ne prétendons pas être dans la vérité mais dans l’exigence de qualité de métiers au service de la mission d’émancipation à l’origine de nos emplois. Le corporatisme a des limites par ses oeillères catégorielles. Le syndicalisme qui l’incarne en est forcément atrophié en ce qu’il peine à percevoir le sens commun.
Nous nommons les failles d’une intersyndicale qui n’est plus. Nous osons dire l’incapacité à agir collectivement à cause d’incantations ou de divergences trop fortes. Nous ne le disons pas pour désespérer notre petit monde. Mais pour réagir. Nous n’avons pas d’autre choix que de poursuivre notre lutte, produire des idées et informer, aider si possible à penser. Bref, y compris dans le syndicat nous prolongeons notre métier. Même dans l’errance il vaut mieux poursuivre la route et le sens. L’intelligence se résume parfois à oser mettre des mots sur ce que nous avons à vivre pour identifier ce qui paralyse ou au contraire permet d’avancer. Et cela permet la mise en mouvement, sans dogmatisme mais avec des convictions d’intérêt général fondées sur des valeurs de progrès et de respect au travail.

Transfert de Jeunesse et Sports à l’Education Nationale : ce qui se joue en coulisses, loin des agents, dans l’inconnue du terrain


Deux projets de décret de modification du code de l’éducation, du code du sport, du code de l’action sociale et des familles, et d’autres textes réglementaires, vont créer :

  • les délégations régionales académiques à la jeunesse, à l’engagement et aux sports (DRAJES)
  • les services départementaux à la jeunesse à l’engagement et aux sports (SDJES)

Ces décrets préciseront les délégations de signature. Ils ont été soumis le 14 octobre au Comité technique ministériel jeunesse et sports (CTMJS), le seront le 30 octobre au comité technique ministériel de l’éducation nationale (CTMEN).
Puis ce sera le passage en Conseil d’Etat et le circuit des avis en CT ministériels conduira à une publication vers le 15 décembre.
Bien que ne pouvant pas être appuyés sur des décrets publiés, les organigrammes locaux des services transférés seront cependant soumis pour avis avant décembre, aux instances locales suivantes :

  • CT des DDCS/PP
  • CT des DR-D-JSCS
  • CTD des DSDEN
  • CTA des rectorats
  • CTA conjoint des rectorats de Région.

Puisqu’il s’agit d’une modification importante des conditions de travail et parfois même de déménagements dès cet automne, les CHSCT doivent être réunis (avant disparition le 31/12/2020).

Comment faire si un syndicat n’a pas de siège au CT local d’une DDCS/PP, DR(D)JSCS ou DJSCS ?
Dans les instances JSCS, si un syndicat existe mais qu’il n’a pas de siège, il faut qu’il demande aux autres organisations syndicales qui siègent de le désigner comme expert. Cela suppose une ouverture d’esprit et une pratique du pluralisme à vérifier. Nous le recommandons aux représentant.es élu.es d’EPA s’ils sont sollicités par des syndicats non représentatifs mais présents dans un service, au nom de notre pluralisme. Nous attendons des autres organisations cette même ouverture.
Attention, tous les règlements intérieurs des instances ne sont pas identiques sur la question des délais pour demander cette désignation (un refus de désignation pour 2h de retard dans la demande a même été signifié pour vice de forme !) Certains chefs de services confondent les experts désignés par l’administration et les experts désignés par les syndicats afin d’éviter les experts des personnels !
L’exercice du dialogue social réclame souvent de la pugnacité.

Comment faire pour être « invité » au CT académique (rectorat) ou CT départemental du MEN ?


Dans les instances de l’Education Nationale, les syndicats de la FSU sont souvent majoritaires. L’UNSA est également présente. Il revient aux syndicats JS de se faire connaître et demander à être convoqués dans une délégation à titre d’expert.
Au sein de la FSU, le SNEP siège le plus souvent aux CTA et CTD au titre des enseignants d’EPS. Il peut se prévaloir d’une syndicalisation à Jeunesse et Sports, mais il n’a pas la connaissance inter catégorielle que porte EPA qui syndique des PTP JEP et Sports, des inspecteurs, des contractuels et des administratifs. EPA doit donc faire valoir sa singularité à côté des autres syndicats de la FSU au MENJS très sectorisés.

Les postes et fiches de postes reconfigurés


Pour les personnels qui n’effectuaient pas des missions JS à plus de 50 %, les postes ont dû être reconfigurés pour aboutir aux effectifs d’ETP qui doivent être transférés selon le tableau arbitré dans l’instruction du 14 janvier 2020. Ces fiches de postes doivent être soumises aux CT JSCS. Nous savons déjà qu’elles ne l’ont pas été partout. Elles doivent être proposées aux personnels concernés pour se positionner sur ces fiches en vue du transfert à JS. Les délais sont courts. Pour que les salaires de janvier puissent être réalisés par l’Education Nationale, il faut une remontée des effectifs d’ici le 30 octobre.

Les organigrammes des services JES


La conséquence de l’éparpillement des instances est de n’avoir qu’une vue parcellaire des effectifs et des organigrammes. L’enjeu est d’obtenir les organigrammes et les effectifs transférés, précisant les postes occupés et les postes vacants transférés, pour tous les services de région académique.
C’est un point capital à inscrire dans les ordres du jour des CT académiques conjoints. Si nous n’avons pas obtenu un transfert de tous en DRAJES, nous continuerons de porter ce mandat. Il nous faut donc porter nos analyses et réflexions à ce niveau. Sans mise en réseau académique les SDJES ne sont pas viables !

Le protocole/préfet recteurs


Ce protocole précise les champs de compétences respectifs des recteurs et des préfets. Il reprend la plupart des textes déjà existants sur les missions. Des modifications ont été opérées à la marge. C’est donc un transfert à « iso missions », qui en soi n’augure d’aucune nouvelle ambition.
Il pose le principe de préciser les effectifs JES dédiés aux missions relevant du préfet. Nous y sommes totalement opposés. S’agissant d’un protocole et non d’un arrêté ou d’un décret, nous considérons que ces précisions doivent être ôtées des organigrammes. Dans une situation de sous effectifs, le préfet préempte des postes. Ce qui est insupportable. La DJEPVA serait disposée à faire figurer des spécialités pour les CEPJ. Comment ? Sous quelle forme ? Pour quel renouveau professionnel ? Rien n’est fait. Mais nous devons porter l’exigence localement de faire figurer les spécialités dans les organigrammes.

Fin des mandats des élus JS dans les instances JSCS


Les mandats des représentants des personnels dans les DDCS/PP, DJSCS, DR(D)JSCS, qui seront transférés à Jeunesse et Sports perdent leurs mandats dans les CT et CHSCT locaux. En département, les CT devraient disparaître dès le 1er avril 2021 avec la création des services DETS.
Cela ne doit pas faire cesser l’activité des sections locales et régionales d’ici les prochaines élections professionnelles de 2022. Bien au contraire.

Groupes de suivi locaux ?


La DGRH de l’Education Nationale a été mandatée par les cabinets des ministres pour engager des travaux sur la création de groupes de suivi locaux. Le périmètre de ces groupes est flou. Des syndicats – majoritaires – s’en satisfont au point de lâcher la proie pour l’ombre dans le dialogue social. EPA est à l’origine d’un projet de protocole focalisé sur le fonctionnement du réseau JS (DRAJES/SDJES) et sa liaison aux CREPS. C’est loin d’être la philosophie du groupe de suivi qui n’est même pas présenté comme une instance provisoire sur la période 2021-2022 précédant les futures élections dans la fonction publique.
Nous portons l’exigence de la transparence et de la concertation dans la phase qui s’ouvre : postes, moyens, équipements, immobilier, coordination régionale des missions. Brader cette exigence au nom d’une posture satisfaite du transfert au MENJS serait de la cécité complice, entre pâtés et châteaux de sable. Nous vous invitons à signaler à EPA toutes les difficultés que vous rencontrerez, car elles sont une certitude désormais.