Traverses Unitaires n°74

Télécharger la revue syndicale : Traverse Unitaire n°74

Fiche de syndicalisation 2012

—————————————————————

EDITO : Le temps des crises

Cette fable circule sur la toile : « Un homme portant cravate se présenta un jour dans un village. Monté sur une caisse, il cria à qui voulait l’entendre qu’il achèterait cash 100 euros l’unité tous les ânes qu’on lui proposerait. Les paysans le trouvaient bien peu étrange mais son prix était très intéressant et ceux qui topaient avec lui repartaient le portefeuille rebondi, la mine réjouie. Il revint le lendemain et offrit cette fois 150 par tête, et là encore une grande partie des habitants lui vendirent leurs bêtes. Les jours suivants, il offrit 300 et ceux qui ne l’avaient pas encore fait vendirent les derniers ânes existants. Constatant qu’il n’en restait plus un seul, il fit savoir qu’il reviendrait les acheter 500 dans huit jours et il quitta le village.

Le lendemain, il confia à son associé le troupeau qu’il venait d’acheter et l’envoya dans ce même village avec ordre de revendre les bêtes 400 l’unité. Face à la possibilité de faire un bénéfice de 100 dès la semaine suivante, tous les villageois achetèrent leur âne quatre fois le prix qu’ils l’avaient vendu et pour ce faire, tous empruntèrent. Comme il fallait s’y attendre, les deux hommes d’affaire s’en allèrent prendre des vacances méritées dans un paradis fiscal et tous les villageois se retrouvèrent avec des ânes sans valeur, endettés jusqu’au cou, ruinés. Les malheureux tentèrent vainement de les revendre pour rembourser leur emprunt. Le cours de l’âne s’effondra. Les animaux furent saisis puis loués à leurs précédents propriétaires par le banquier. Celui-ci pourtant s’en alla pleurer auprès du maire en expliquant que s’il ne rentrait pas dans ses fonds, il serait ruiné lui aussi et devrait exiger le remboursement immédiat de tous les prêts accordés à la commune. Pour éviter ce désastre, le Maire, au lieu de donner de l’argent aux habitants du village pour qu’ils paient leurs dettes, le donna au banquier, ami intime et premier adjoint, soit dit en passant.

Or celui-ci, après avoir rétabli sa trésorerie, ne fit pas pour autant un trait sur les dettes des villageois ni sur celles de la commune et tous se trouvèrent proches du surendettement. Voyant sa note en passe d’être dégradée et pris à la gorge par les taux d’intérêts, la commune demanda l’aide des communes voisines, mais ces dernières lui répondirent qu’elles ne pouvaient en aucun cas l’aider car elles avaient connu les mêmes infortunes. Sur les conseils avisés et désintéressés du banquier, toutes décidèrent de réduire leurs dépenses : moins d’argent pour les écoles, pour les programmes sociaux, la voirie, la police municipale… On repoussa l’âge de départ à la retraite, on supprima des postes d’employés communaux, on baissa les salaires et parallèlement on augmenta les impôts. C’était, disait-on, inévitable mais on promit de moraliser ce scandaleux commerce des ânes.

Cette bien triste histoire prend tout son sel, quand on sait que le banquier et les deux escrocs sont frères et vivent ensemble sur une île des Bermudes, achetée à la sueur de leur front. On les appelle les frères Marchés. Très généreusement, ils ont promis de subventionner la campagne électorale des maires sortants. »

La cure d’austérité imposée à toute l’Europe au motif de la dette commence à lever les colères partout. Mensonges, manipulations, tout est bon pour geler toutes les résistances. Y compris les châtiments corporels à coups de règle d’or ! Sur la question de la dette comme sur la question des retraites on additionne les déficits et on n’additionne jamais les richesses produites. Une seule réponse possible : « Donnant donnant ! Si vous voulez que nous partagions les dettes, partageons d’abord les richesses que nous produisons ! » Nous n’avons pas besoin d’une cure d’austérité mais d’une cure d’éducation populaire sur les questions économiques ! Mesdames et messieurs les ministres sociaux et du budget élaborez une politique publique d’éducation et de prévention aux risques des marchés ! Vite, parce que c’est peut-être déjà trop tard. Embaucher, titulariser, c’est possible. Augmenter les salaires, c’est possible. Partir en retraite à 60 ans, 37,5 annuités, c’est possible. Des soins gratuits, c’est possible. Un logement pour tous, c’est possible. Une politique du sport, de la culture pour tous et partout, c’est possible… Les revendications d’EPA exprimées à notre dernier congrès sont réalistes, réalisables et socialement utiles. Les citoyens commencent à compter et à se compter. L’éducation populaire c’est aussi apprendre par les luttes sociales. Elles s’organisent. EPA en sera.

Marie-Christine BASTIEN