Traverses Unitaires n°67

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EDITO : NOMMER N’EST PAS DÉNIGRER

A certains moments de l’Histoire, l’urgence des échéances ne permet pas toujours les précautions d’expression d’une pensée complexe, pesant au trébuchet des mots, pour ne point froisser les sensibilités diverses des lectrices et lecteurs.

En ces de temps de déliquescence de notre République, la fonction syndicale semble se résumer à expliquer comment et pourquoi on perd sur tous les enjeux. Pour certains c’est parce que le syndicalisme dans sa version avouée réformiste s’accommode finalement peu ou prou de l’état des choses. Pour d’autres, revendiqués révolutionnaires, c’est pour fustiger tous les ventres mous et s’arroger un label de nitescence politique. Pour d’autres ce sera « on voudrait bien, mais on peut point ». Toujours est-il qu’à l’arrivée on ne fait rien ou si peut. Et chacun y met l’enrobage qu’il peut.

Pour notre part, à EPA, nous avons choisi de nommer. Nommer les difficultés. Nommer nos limites. Pas pour nous attribuer la médaille en chocolat de la lucidité, mais pour tenter de construire en nommant l’insuffisance de nos cabotages alors que la haute mer s’imposerait, en nous questionnant pour contribuer à construire des pôles résistants face à des insuffisances n’étant qu’alternantes ou des mirages discursifs prétendument alternatifs. Nommer est indispensable. Ce n’est pas dénigrer. Nommer c’est pouvoir dire « le roi est nu » sans que ce soit un apanage d’enfant. Nommer c’est oser formuler, même maladroitement, au cœur de ce qui peut faire mal pour agir sur le centre de cette douleur sans se limiter à la langue de bois périphérique.

Nommer l’insuffisance autant que la suffisance, qu’elles s’appellent président, parti ou syndicat n’est pas prôner la prétendue radicalisation de coordinations évanescentes, seules capables de faire du neuf sur terre. C’est avouer l’usure d’appareils, de pensées devenues insuffisantes dès lors qu’elles servent ces dits appareils incapables de se mettre en mouvement car trop attachés à l’institution qu’ils représentent.

En 2009 on s’est fait cuire l’œuf avec les carottes et le bâton. En 2010 faisons du neuf pour éviter de finir saucisses. Pour résister il faut savoir se regrouper et cesser de céder aux forces centrifuges qui au-delà du miroir transforment les alouettes en pâté.

Un syndicalisme immobile, destiné au fauteuil roulant des institutions, ne peut que finir un jour à la cérémonie des esquarres.

Didier HUDE