Traverses Unitaires n°66

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EDITO : VALSE DES PIONS HUMAINS ET IMPUISSANCE SYNDICALE

Est-il mobilisateur d’évoquer l’impuissance syndicale dans un édito destiné à ouvrir un bulletin dit de syndicalisation ? Ce n’est pas mobilisateur si on se résume au constat cruel et implacable qui fait que, ni dans la fonction publique, ni à la santé, ni à jeunesse et sports, les syndicats ont été capables de s’entendre sur une démarche commune recherchant l’efficacité pour –sinon enrayer – du moins limiter la casse de la RGPP. Il est vrai que les plus « réformistes » des syndicats n’estiment pas toujours négatives certaines déclinaisons de la RGPP ministère par ministère. Le syndicalisme quand il se limite à des incantations incapables de créer des rapports de forces n’est qu’un tigre de papier, ou d’Internet, qui communique. Le syndicalisme désaccordé est dans l’esprit du temps. Sa désunion, liée à son atomisation, sert l’ordre tout puissant de gouvernants hantés par l’économisme et l’accroissement indéfini de la domination des logiques de profits.

Mais, pour peu que l’intention syndicale ne soit pas d’accompagner en protestant mais de chercher concrètement à s’opposer, il peut être mobilisateur de savoir reconnaître et nommer l’impuissance syndicale pour pouvoir la dépasser. Le syndicalisme, lorsqu’il se limite à une approche corporatiste, est incapable de se porter aux niveaux de réponses sociales pourtant nécessaires pour décrypter les intentions patronales et gouvernementales afin d’en déduire des formes de résistances adaptées. Certes, dans le réseau jeunesse et sports, les services sont souvent de taille modeste, dans les associations employeurs aussi. L’esprit « maison » et le paternalisme y sévissent en toute quiétude, anesthésiant souvent les capacités d’agir ensemble. Chacun dans l’acceptation de son sort est un peu le frein de l’autre.

La RGPP traite les personnels comme des pions, les déplaçant au gré d’une « mobilité » forcée… comme à France Télécom ! La RGPP malmène les personnels. Tous les personnels ! Contrairement aux mensonges gouvernementaux elle malmène aussi les usagers. Elle vise à accompagner la destruction d’emplois, la négation des statuts et des métiers en évacuant leurs déontologies. Les fonctionnaires doivent fonctionner, le temps qu’ils servent encore. Trop peu de chefs de services s’en émeuvent, préférant accompagner le processus mais il faut convenir que la moindre opposition serait broyée avec la carrière.

2010 va être une année capitale pour nos services publics. Le plan, de continuité de la pandémie grippale nous aide à vérifier que la seule mission réellement importante est celle de la réglementation et de la protection des usagers. La propagande autour du H1N1 est en train de devenir un test en grandeur réelle d’un procédé de contrôle de la vie collective sur nombre d’aspects qui vont au-delà du sanitaire pour toucher au droit du travail (mesures dites d’exception). Les nouveaux services interministériels vont très vite se révéler pour ce qu’ils sont : des laboratoires à polyvalence fonctionnelle ouvrant à une fusion en préfecture. Et si nous ne réagissons pas les niveaux régionaux ne seront que des échelons désincarnés voués à un pilotage et une observation d’un vide abyssal sur le plan éducatif. Il suffit d’ailleurs de vérifier ce qui est attendu des derniers collègues reçus aux rares concours de personnels dits techniques et pédagogiques : rien sur l’analyse critique et la pensée complexe ou les stratégies éducativesd’action sociale, tout sur du management désincarné où être fonctionnaire se résume à traiter du dossier/programme/dispositif contre bientôt un salaire variable au gré du bon vouloir local.

Plus que jamais la résistance s’impose, non pas à travers des journées d’action isolées et sans perspectives, mais en construisant des solidarités locales et nationales secteurs par secteurs, sans esprit de chapelle syndicale. Nos services publics, notre fonction publique, sont attaqués de l’intérieur par les capitulations quotidiennes. Ce jour où cet édito est écrit cinq syndicats (CGT, FO, Solidaires, FSU et ici et là la CFTC) ont appelé dans toute la France à la votation pour que la Poste ne soit pas privatisée. Cette action est un point d’appui. Elle donne aussi une grille de lecture possible pour que le syndicalisme se rassemble afin d’empêcher « la mise à mort de l’être au travail » comme le dit si bien Hélène Cixous.

Didier Hude