Aux lapins agiles (édito traverses n°102)

Gazouiller : il est des jours on voudrait se sentir pinson. Ou bien sauter comme un lapin « agile ». Pas le  cabaret  de  Montmartre  et  les  libations   à  la Toulouse Lautrec. Agile comme le MEDEF, comme un gouvernant. Avoir la vertu cardinale d’un chef de service et d’une RH à la carrière bien menée, qui a pris la peine d’aller voir « de l’autre côté de la rue ». Agile comme une préparation  au changement, comme une génuflexion d’aide de camp. Agile pour surfer sur les calembredaines de syndicalistes dépressifs qui croient encore aux vessies du service public, agile pour échapper aux balles, pour ne pas être tiré comme un lapin. Agile, beau comme le progrès, beau comme une comète après un big bang de gouvernance.

Agile comme une effigie du Comité  Action   publique   2022 qui     d’un     « geste     de     béton armé » (aurait dit Prévert) nous montre  la  direction  d’un  avenir où l’État doit se contraindre « à un rôle de régulateur, qui sera d’autant plus important que la concep6on et la produc6on du service public seront ouvertes ». Et pour cause, on aura pris soin d’encourager « associa6ons, entreprises et start‐up à proposer des ores complémentaires à celle du service public ».

Agile comme un projet de Budget 2019 où, comme en 2018, le secteur privé et les entreprises gagnent au grattage 13 milliards d’euros de baisses d’impôts, et les « ménages » seulement entre 6 et 3,5 milliards. L’idéologie  « agile »,  par  solidarité  existentielle,  va faire financer ces choix par le quasi‐gel des retraites, des aides au logement et des allocations familiales. Et bien sûr par l’élagage d’emplois dans les Fonctions Publiques.

Primesautier comme un best‐seller d’été. Spontanée, comme une instruction de Premier Ministre, un 24 juillet,  qui  nous  prédirait  l’organisation  territoriale des services publics : recentrage des missions, mutualisations,  privatisations,   rôle  toujours  accru des préfets (garants de l’ordre à feuilles de chêne et lauriers plaqués sur la casque`e). Du sol au plafond de la République, une seule obsession, de la  plus large à la plus mesquine : le désengagement public vers l’initiative privée.

Et puis soudain : fond de la piscine ! Le feuilleton du Ministère  des  Sports,  genre  bas  de  gamme,  pas même  littérature  de  gare.  Une  guêpe  sort  par  la porte‐fenêtre,   avec   apparition   simultanée,   quasi botticellienne,   d’une   nymphe   issue   d’une   divine comédie sorbe comme de la cuisse de Jupiter. Avec en fonds sonores les demis dieux de l’Olympe et de leur comité national trépignant et pétitionnant pour des sous ! Des sous ! Du beurre ! Du beurre ! Mais ne disant pas un mot des emplois ! Pas agile du tout dans le grand bassin d’entourloupes la naïade : oui mais non, pas suppression de 1 600 CTS, enfin on ne peut pas vous dire encore. Au fond, une ombre :  un  ministère  et  ses agents rayés d’un trait de plume trempée dans l’encrier des préconisations de la Commission européenne.

En cette période de rentrée littéraire,  aucun  suspens,  un  air de vieux et de déjà vu, un style de latrines, certes à dorures, pour accueillir  des  faux‐culs  qui  font du dialogue social un jeu avec les nerfs. Avec des textes et des déclarations à donner la rage.

Pas  la  myxomatose,  mais  bien  la  rage.  Le  lapin enragé  de  Monty  Python  sacré  Graal !  Imaginez ! C’est terrible… Il en va de la responsabilité des syndicats de porter nos voix réunies, de la traduire en actions, en critiques et contre‐propositions. EPA est au cœur de l’intersyndicale Jeunesse et Sports et nombre  de  nos  préconisations,  parfois  anciennes, sont maintenant reprises par tous ou presque. Nous continuons  plus que jamais notre travail d’analyse des métiers, des missions, des besoins et celui tout aussi important de la convergence syndicale.

Puissent  ces  lignes  de  bulletin  vous  alimenter  et servir nos membranes fragiles mais habiles.

 

Jean‐Claude Schliwinski