Avant-projet de Loi « Egalité-Citoyenneté » présenté au CNEPJ 03032016

Déclaration liminaire FSU

La mobilisation de la jeunesse en préparation pour le 9 mars, ce qui ne s’était pas vu depuis 2006, apporte une réponse au projet de Loi sur le code du travail, certes, mais elle éclaire aussi d’une perspective critique le projet de Loi qui nous est proposé.

D’une part, les jeunes s’engagent, d’autre part la question de leur sécurité, la question de l’égalité, de la fraternité ils l’articulent fermement à la question du droit au travail, de leur droit au travail. Autrement dit, le service civique n’est pas la réponse qu’ils attendent.

Nous avions été nombreux, après les massacres de janvier puis de novembre 2015, à demander une initiative en faveur des jeunesses et de l’éducation à la citoyenneté. Nous espérions que les démarches d’éducation populaire seraient soutenues, encouragées à se déployer partout par une Loi cadre de l’Education Populaire par exemple. Une Loi cadre qui se serait inscrite dans le code de l’Education par exemple.

Le projet de Loi qui nous est soumis modifie les codes de la défense, de la sécurité, du travail, …

là où des politiques économiques, sociales et éducatives auraient dû être interrogées. Que l’on ne nous réponde pas : formations à la laïcité ou kit de prévention de la radicalisation pour illustrer les mesures éducatives de ce gouvernement.

Lorsque ceux qui tentent de comprendre se font reprocher de vouloir chercher des excuses, un projet de Loi élaboré dans ce contexte ne pouvait avoir que des accents sécuritaires. Le soumettre à un conseil de l’éducation populaire et de la jeunesse est paradoxal.

Où est passé le big bang des politiques jeunesses ?

Il y a 4 ans, dans le contexte du débat des présidentielles, des organisations et mouvements de jeunesse, des associations, des syndicats ont co-signé une plateforme appelant à un big bang des politiques jeunesse.

Nous avions partagé une partie des analyses et regretté que les propositions n’engagent pas les signataires dans une véritable mobilisation de respect des droits des citoyens quel que soient leur âge, et en particulier le respect du droit du travail.

La bataille contre le Contrat première embauche (CPE 2006) n’était pas si loin, le service civique venait d’être créé (mars 2010) et le contrat d’engagement éducatif vivait ses premiers recours prud’hommaux, la Loi Cherpion avait abaissé l’âge de l’apprentissage à 14 ans. Le contexte était donc particulièrement difficile pour les jeunes.

Qu’en est-il aujourd’hui ?

Peser sur l’emploi pour chacun prenne sa place, demandaient les signataires.

10,6 % de la population active au dernier trimestre 2015 cherchait un emploi. Ils sont plus nombreux qu’en 2014 . La hausse du chômage a touché toutes les catégories mais plus fortement les jeunes (+0,2 pour l’ensemble ; +0,8 pour la tranche des 15-24 ans).

Mais il y a le service civique !

Le service civique : de la servitude pas si volontaire

Le service civique qui a été mis en place sous Nicolas Sarkozy et poursuivi par François Hollande a habilement permis de sortir la question de la jeunesse des problématiques du droit (du travail) grâce à la rhétorique de l’engagement. Car il s’agit de rhétorique. Le CPE se présentait comme un remède à l’inexpérience des jeunes, il pointait leur inexpérience. Le service civique, au contraire, valorise leurs compétences, mais dans une autre monnaie, celle du don et de l’indemnisation.

L’annonce du président de la République, lors de ses voeux à la jeunesse en janvier, de 350 000 services civiques soit la moitié d’une classe d’âge d’ici 2018 pour aller vers toute une classe d’âge d’ici 2020 permet de sortir ces jeunes des statistiques du chômage et permet aussi de leur donner la mesure des conditions que le marché de l’emploi va leur offrir : stages, volontariat, successions de CDD … Jeune et abstinence disait déjà le sociologue José Rose en 1999 pour décrire l’allongement de la transition professionnelle pour les jeunes.

Deux points sont dramatiquement problématiques dans les voeux du président le 11 janvier :

Tout d’abord, la valorisation de l’engagement, du don, du bénévolat comme manière de faire société, permet de ramener au premier plan la charité, les initiatives individuelles, là où l’on attendrait aussi de la solidarité nationale, donc du droit. Certes il y a une forme de solidarité institutionnelle dans le dispositif de service civique, mais lorsqu’elle se construit sur les décombres d’autres institutions comme la sécurité sociale, l’école, le travail, … difficile de ne pas y lire le projet d’une société libérale qui ravaude d’une main le tissu social que de l’autre elle déchire. C’est ce que convoque le recours au terme cohésion sociale que de réparer avant que cela n’explose.

Ensuite, devant le parterre de jeunes, ont été loués le ministère de l’Education Nationale, l’agence du service civique, François Chérèque, les préfets et le premier ministre, mais ni Jeunesse et Sports, ni le ministre Patrick Kanner.

Ont été évoqués les petits moyens humains de l’agence du service civique, et leur renforcement (+9 ETP prévus au budget 2016) mais aucune attention pour les CEPJ et les services déconcentrés qui le mettent en œuvre. C’est la disparition pure et simple du ministère Ville, Jeunesse et Sports des écrans du président de la République. L’annonce d’un haut commissariat à l’engagement placé auprès du 1er ministre sonne le glas de la spécificité des services déconcentrés de Jeunesse et Sports en département dans la conduite de cette politique.

Les crédits dédiés devraient passer de 300 millions d’euros à 1 milliard en 2018 ! Nous rêvons de ce que nous pourrions faire d’une telle somme pour l’éducation populaire.

Ce qui se passera au delà de 2017 est hypothétique, mais se dessine un projet politique de remplacement du service militaire par un service civique, c’est à dire de sa généralisation à toute une classe d’âge.

La demande explicite est de faire du chiffre, de trouver des missions dans les services publics dans les ministères, les collectivités locales, les associations …

Le rôle de l’État n’est donc plus de veiller à la qualité des missions, à leur dimension éducative mais de recruter. C’est à quoi s’emploie donc ce projet de Loi, permettre un recrutement massif.

Faute d’emploi un service civique

Le site internet national du service civique présente les réussites des missions. Mais pour qui fréquente des associations et des jeunes, il y a aussi les échecs et les dérives. Les jeunes sont recrutés, sont convoqués à des entretiens, les missions deviennent des quasi-emplois, et compte tenu du taux de chômage, les jeunes à la recherche d’un emploi préfèrent un service civique à l’inactivité.

Ainsi, un exemple, malgré la proposition d’un entretien par visio-conférence, il a été demandé à un volontaire de faire 1200 km aller et retour pour finalement avoir pour réponse qu’il était trop diplômé pour la mission. Pourtant les diplômes était bien mentionnés sur son CV.

Ce sont les familles qui supportent ces frais.

L’accompagnement sacrifié par l’exigence du chiffre

Tant pour les associations que pour les collègues qui suivent la mise en place des services civiques, la qualité de la mission pour le jeune dépend de son accompagnement. Au moment où les associations connaissent les baisses de subventions et les suppressions de postes qui suivent, elles ne sont plus en mesure d’offrir un cadre de mission valorisant. Atteindre les 150 000 prévus pour 2017 est un exercice déjà périlleux. C’est désormais un service de contentieux qu’il faut songer à ouvrir.

Pour les service Jeunesse et Sports dont les effectifs de CEPJ se réduisent d’année en année, le suivi des services civiques, les rencontres collectives, l’aide à la définition des missions ne sont déjà plus possibles, alors viser 350 000 jeunes en service civique sans augmenter le nombre des CEPJ c’est vraiment substituer une ambition statistique à une ambition éducative et citoyenne.

Un empilement de mesures ne construit pas une politique publique

Un sujet aussi important que la République et le « décrochage citoyen » aurait nécessité une véritable concertation, des évaluations des politiques publiques en cours, des études d’impact. Elle devrait se déployer de la même manière sur tout le territoire, elle devrait s’adresser à tous les jeunes et surtout les plus éloignés de l’emploi, de la formation.

Le toilettage du congé-cadre-jeunesse est une bonne nouvelle, mais il n’aura pas plus de portée qu’il n’a eu jusqu’à aujourd’hui. Un jeune qui décroche déjà difficilement un emploi ne va pas demander à son employeur un congé, même sans solde, pour effectuer des missions dans une association.

En quoi l’intégration du réseau de l’information jeunesse dans le service public de l’orientation va-t-il permettre une amélioration significative de l’accès des jeunes à l’information ? Nous craignons au contraire que cela ne consacre la disparition du réseau.

La coordination confiée aux régions en matière de politiques jeunesse, est un pas de plus vers la disparition de jeunesse et sports et vers des inégalités territoriales.

Et puisque le projet de Loi empile des mesures en faveur de l’engagement, pourquoi le projet de loi que nous avons soutenu et qui a été porté par les députés Menard et Féron, entre autre, sur le statut du volontariat n’intègre-t-il pas ce projet de Loi sur l’engagement ?

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Projet loi égalité citoyenneté 

Projet de loi exposé des motifs