Suite au rdv du 7 octobre, la FSU écrit au Ministre KANNER

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Nantes, le 9 octobre 2014
Didier Hude
Représentant FSU
au comité technique Ministériel
à
Patrick Kanner,
Ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports
Objet : dialogue social et appréciation du contexte sociopolitique

Monsieur le Ministre,

Vous avez pris l’initiative d’une rencontre le 7 octobre pour échanger avec l’ensemble des organisations syndicales représentées dans l’instance transitoire de concertation « jeunesse et sports » du ministère placé sous votre responsabilité gouvernementale, avec la politique de la ville. Hormis une organisation syndicale, toutes les autres délégations étaient composées par des acteurs professionnels, dont la plupart ne sont pas permanents syndicaux, mais en activité au sein des services ou établissements du ministère. Vous avez pu mesurer l’extraordinaire décalage existant entre les représentations administratives et politiques qui parcourent les décideurs de la sphère des ministères dits sociaux et les attentes exprimées par des organisations syndicales particulièrement représentatives des personnels directement concernés. Le scrutin du 4 décembre prochain vous permettra au demeurant de vérifier de nouveau cette représentativité qui ne devrait pas se démentir, ni beaucoup évoluer.

Au cours de cet entretien, vous avez réagi avec énergie aux propos de la représentation FSU. Notre délégation a osé exprimer ce qu’une bonne part de nos collègues de travail, tous statuts confondus, est en train de ressentir au quotidien dans les services. Loin d’un dialecte imaginaire, ce texte, écrit et lu, n’a fait qu’emprunter des mots destinés à traduire une réalité allant au-delà du simple monde des fonctionnaires. Le sentiment plus ou moins inexprimable d’une époque, d’une tranche d’histoire professionnelle et sociale qui s’en va. Parce que nous ne sommes pas pour rien dans le changement politique intervenu en 2012, nous pouvons dire cette part d’un peuple qui se dissout, malgré nous, sans efforts, comme délavée par une saison de pluies.

Au mieux vous nous reprochez, au pire vous nous accusez, de participer par nos propos de la dégradation idéologique qui fait le lit du populisme nationaliste exacerbé, parce que nous utilisons et conjuguons les concepts d’austérité et de rigueur doctrinaire pour qualifier des pans de politique gouvernementale. Il nous reste ce droit de mettre des mots sur des faits. C’est sans plaisir aucun que nous vérifions la résistible ascension d’une extrême droite trouvant d’inquiétants échos auprès des jeunes dans notre pays de plus en plus gagné par la pauvreté de la sous France. Dire n’est pas attiser les braises de la politique du pire. C’est au contraire ne pas vouloir de sorties de route versant toujours au même fossé de l’exclusion. Le président de la République ne dit-il pas lui-même que dans la situation économique et politique actuelle, forcément le pouvoir en place porte quelques responsabilités ? Le reconnaître a le mérite d’une certaine grandeur, indépendamment des choix politiques et économiques opérés que nous ne partageons pas.

Vous avez épinglé la FSU « jeunesse et sports ». Nous pourrions dire comme Cyrano, « qu’on n’abdique pas l’honneur d’être une cible ». Mais vous êtes un homme politique de terrain. Vous connaissez comme nous ces franges populaires de plus en plus nombreuses qui prennent leurs distances avec les jeux des gens qui finissent par « iste », voués aux gémonies du « tous pourris ». Vous connaissez l’action sociale. Pour notre part, nous ne la confondons pas avec l’éducation populaire. Cette dernière suppose d’autres modes opératoires et mises en action que la réparation sociale. Mais il y a des intersections évidentes entre politique de la ville, politiques sportives et éducation populaire. D’une certaine manière, parce que vous n’êtes pas étranger à notre champ professionnel, votre remise en cause de la capacité d’entendement de la FSU, renvoie aussi les professionnels que nous sommes à ne pas connaître notre métier, à ne pas savoir établir les diagnostics sociaux qu’il requiert. Or ce qui nous justifie dans nos missions c’est justement de pouvoir analyser des contextes sociaux liés à nos domaines d’intervention pour proposer de l’ingénierie publique. Être ainsi renvoyé à une forme d’inanité par son ministre n’est pas facile à vivre. Certains ministres, en général de votre opposition politique, ont considéré les conseillers d’éducation populaire comme une liste de points d’exclamation à remiser dans des oubliettes de la fonction publique, au point d’en tarir le recrutement. D’autres, hostiles aux interventions des cadres sportifs sur le terrain se plaisent cycliquement à dénoncer l’obsolescence d’agents publics impliqués au plus près des acteurs. Pourtant ni les professeurs de sport, ni les conseillers d’éducation populaire ne relèvent d’une équipe de vétérans dissertant sur l’intelligence du ballon sur une pelouse, ou d’une bande de griots s’affirmant historiens sociologues. Nos métiers ne sont ni désuets, ni obsolètes. Certains et certaines ministres – y compris de votre opposition – ont su d’ailleurs l’apprécier et le reconnaître.

On dit que les chansons sont parfois plus belles quand la langue est inconnue. Peut-être souffrons-nous d’une trop grande proximité ? Formons le voeu qu’on puisse tout de même arriver à d’autres échanges plus harmonieux tant il est vrai que depuis la RGPP notre ministère apparaît condamné. En tant que ministre vous êtes en pleine légitimité à conduire votre politique. En tant que syndicalistes nous avons une légitimité sociale différente qui suppose de convoquer les conditions respectueuses du dialogue social. Toutes les parties ont le droit à l’erreur. Soyez certain que nous ne souhaitons pas que vous fassiez erreur car nous savons trop quel dessein réserve d’autres alternances ou alternatives.

Veuillez accepter nos salutations citoyennes.

Didier HUDE