TEMPS DE TRAVAIL EN DDCS et DDCSPP : la régression organisée avec pour cible « jeunesse et sports » !

Sur demande de la CGT (Fonction Publique), le Conseil d’Etat vient d’annuler partiellement l’article 5 de l’arrêté interministériel du 27 mai 2011 relatif à l’organisation du temps de travail dans les DDI. Cette décision introduit un vide juridique sur le décompte annuel du temps de travail des personnels techniques et pédagogiques dans les DDCS et DDCSPP, ainsi que pour les inspecteurs qui demandaient à en bénéficier. Dans ces directions, la pointeuse est fortement présente, héritée des pratiques et organisations classiques du temps de travail administratif et des principes hiérarchiques l’organisant.

Un recours de la CGT fondé sur une vision doctrinaire, sans concertation

L’UGFF-CGT (très faiblement implantée dans l’éducation nationale et à jeunesse et sports) nourrit une conception classique défavorable à l’article 10 du décret du 25 août 2000 sur le temps de travail. Elle considère, avec l’ensemble des confédérations, que cet article 10 – qu’elle qualifie de « recours au forfait cadre » – relève de « l’exploitation » des salariés qui y sont soumis. Elle défend un principe de « récupération » et paiement des temps de travail éventuellement dépassés. Les professeurs de sport et conseillers d’éducation populaire ne sont pas des cadres à ses yeux, mais des agents comme les autres. C’est donc, dans leur intérêt et pour qu’il ne soit pas appliqué à d’autres, que la CGT veut limiter au seul véritable encadrement l’application de l’article 10.

S’agissant de la situation particulière des personnels jeunesse et sport, la CGT considère qu’il faut explorer d’autres voies que celle du « forfait cadre » ! Lesquelles ? Dans une formule « langue de bois » elle évoque des « conditions spécifiques à prendre en compte dans un autre cadre réglementaire que le forfait cadre, préservant les acquis dans l’organisation temps de travail ». La CGT indique la voie à suivre : « c’est l’alinéa 3 de l’article 1 du décret 2000-815 qui devrait trouver à se décliner, pour ces personnels, dans l’arrêté sur les DDI qui va devoir être modifié. »

Que dit cet alinéa supposé être sauveur aux yeux de la CGT ?

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Article 1er décret 2000-815 consolidé

La durée du travail effectif est fixée à trente-cinq heures par semaine dans les services et établissements publics administratifs de l’Etat ainsi que dans les établissements publics locaux d’enseignement.

Le décompte du temps de travail est réalisé sur la base d’une durée annuelle de travail effectif de 1 607 heures maximum, sans préjudice des heures supplémentaires susceptibles d’être effectuées.

Cette durée annuelle peut être réduite, par arrêté du ministre intéressé, du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget, pris après avis du comité technique paritaire ministériel, et le cas échéant du comité d’hygiène et de sécurité, pour tenir compte des sujétions liées à la nature des missions et à la définition des cycles de travail qui en résultent, et notamment en cas de travail de nuit, de travail le dimanche, de travail en horaires décalés, de travail en équipes, de modulation importante du cycle de travail, ou de travaux pénibles ou dangereux.

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En 2001 et 2002, lorsque la FSU et l’UNSA ont négocié avec le MJS le bénéfice de l’article 10 du décret 2000-815 pour les personnels techniques et pédagogiques et l’inspection c’était en connaissance de cause et parce que cet alinéa leur est inapplicable ! Parce qu’ils ont une « forte autonomie » dans la définition de leur temps de travail, parce que ce dernier ne peut être comptabilisé de manière traditionnelle, seul l’article 10 (le forfait cadre) est applicable.

La CGT témoigne ici d’une profonde méconnaissance du dossier. La solution qu’elle préconise via l’article 1er n’existe pas. Les « cadres A » du réseau jeunesse et sports ne demandent pas -par ailleurs- une « réduction » du temps de travail mais les conditions requises pour pouvoir travailler ! La démarche de la CGT, si elle ne relève pas de la méconnaissance, relève alors de l’intention de nuire à l’exercice des métiers techniques et pédagogiques qui sont dans la cible des DDI depuis leur création. La double requête de la CGT (n° 351316 et n° 351317) en annulation pour excès de pouvoir, se retourne directement contre le réseau jeunesse et sports. Il en nie la spécificité et il sert directement les intérêts et visées des hiérarchies et de l’encadrement interministériel des DDI. Il vise à niveler en même temps qu’il asservit aux contraintes ordinaires. C’est un bijou de syndicalisme contreproductif.

Le Conseil d’Etat, véritable juge de paix à deux faces

Le Conseil d’Etat est le juge suprême en matière de justice administrative. Ses arrêts sont définitifs. Il n’existe aucun recours. Saisi d’un texte, il n’est en rien limité par l’argumentation qui le conteste. Avec ses normes et références, il peut tirer des conclusions définitives, loin d’être toujours imaginées par les contestataires.

Ainsi, rejoignant en cela la CGT, le Conseil d’Etat valide pour les personnels de direction, non pas le bénéfice du décompte annuel du temps de travail en jours, mais ce qu’il considère comme une pénalisation !

En revanche, (7ème considérant), l’ensemble des personnels des corps des ministères chargés de la jeunesse et des sports exerçant des missions éducatives, techniques et pédagogiques ne peuvent se voir imposer (là encore, ce serait une pénalisation, et non un avantage aux yeux du Conseil d’Etat) le décompte annuel en jours. Car le décret du 25 août 2000, qui organise la RTT, stipule, dans son article 10, que le décompte annuel est réservé aux personnels chargés soit de fonctions d’encadrement, soit de fonctions de conception, lorsqu’ils bénéficient d’une large autonomie dans l’organisation de leur travail ou sont soumis à de fréquents déplacements de longue durée. Ainsi, dans l’esprit du Conseil d’Etat, un professeur de sports ou CEPJ en DDCS et DDCSPP est un « exécutant », non pas un « concepteur » de son action.

Le décrochage des PTP en DDCS et DDCSPP vis-à-vis des DRJSCS et CREPS

L’encadrement des DDI boit du petit lait. Ici ou là, déjà et cela va s’amplifier, des chefs de services (certains très revanchards) veulent déjà en profiter pour pousser l’avantage ! Tout le monde à la pointeuse ! Révisons vite nos règlements intérieurs ! Voilà de quoi accouchent concrètement les recours cégétistes. La FSU ne siège pas au CT national des DDI. Souvenons-nous que seule l’UNSA, sous intervention de ses syndicats du réseau JS avait obtenu le maintien du bénéfice de l’article 10 pour les PTP et inspecteurs. Puis une intersyndicale FSU, UNSA, FO avait obtenu – sans la CGT et contre la CFDT – le maintien dit « transitoire » de la gestion à l’année scolaire pour la filière administrative de l’éducation.

S’il n’y a pas de rédaction urgente d’un nouvel article 5 reprenant expressément les dispositions de l’article 10, dans un libellé forcément différent de celui qui vient d’être abrogé par le Conseil d’Etat, le risque est grand de voir la mesure élargie à tous par réplique de raisonnement. Ce nouveau combat est à mener, de préférence dans l’unité syndicale avec ceux qui sont encore dans un esprit de conquêtes sociales. La situation des CEPJ et des CAS en DRJSCS ou en CREPS est à peine différente de celle des CEPJ ou des CAS en DDI !

Reprendre toutes les argumentations pour restaurer l’article 10

Même si cela a été fait à de multiples reprises il convient de rappeler que la RGPP et la ReATE (la MAP maintenant) n’ont pas le pouvoir d’abroger les décrets statutaires des corps de professeurs de sports, CEPJ, CTPS ou inspecteurs JSL. Ce n’est pas parce qu’on est en fonction dans une DDI et qu’on relève du premier ministre ou de la préfecture qu’on cesse d’avoir le bénéfice des dispositions statutaires du corps auquel on appartient. Même s’il est ténu, un lien subsiste en DDI avec le ministère employeur.

Ainsi, les contrats annuels d’objectifs pour les CEPJ et les CAS doivent être mis en œuvre, les parts d’autonomie dans la définition du temps de travail doivent être revendiquées et surtout effectives (pas de soumission aux horaires ordinaires d’ouverture de bureau sinon les arguments deviennent vides). Les compte-rendu globaux d’activités (et éventuels prévisionnels) ne doivent surtout pas entrer dans des logiques de quantification horaire mais dans des indications de missions, contacts, rencontres, préparations, recherches et autres actes professionnels liés aux statuts et métiers plaçant les personnels techniques en conseillers des publics autant que leur administration. Il faut revendiquer, en l’écrivant – oser écrire est fondamental – la dimension statutaire de concepteur (c’est le cadre A de la fonction publique). Si on ne fait pas vivre cette dimension on ne fait pas que fragiliser sa propre position, on affaiblit aussi le discours collectif pour exiger un autre article 5 en DDI.

Il faut encore faire référence constante au texte de cadrage négocié par le SNAPS-UNSA, le SNEP-FSU et EPA-FSU (signataires du protocole créant le corps des CTPS) le 23 octobre 2001 sur la RTT à jeunesse et sports, aboutissant à l’instruction 02-045 jeunesse et sports reconnaissant aux personnels techniques et pédagogiques 20 jours forfaitaires de RTT et – en dehors de ces jours de congés – 5 jours par an de formation à la demande de l’agent. Ces jours s’ajoutent aux droits ordinaires de formation continue. Cette instruction n’est pas abrogée, elle n’est pas dénoncée. Elle ne s’use que si on ne s’en sert pas.

Répondre par la revendication d’un métier de conception est une nécessité face aux agressions évidentes sur les conditions d’emploi qui vont monter de toutes parts après cette « victoire » syndicale revendiquée par l’UGFF-CGT.

Rétablir au plus vite l’article 5 en DDI

La FSU, EPA et le SNEP agissent auprès du premier ministre, et du MSJEPVA pour obtenir une nouvelle rédaction urgente de l’article 5 qui permette à tous les CEPJ, PS, CTPS, de se voir reconnus dans leur dimension statutaire de CONCEPTEURS de leur action. L’argumentation sera d’autant plus forte qu’elle prendra appui sur des pratiques partagées en DDI. Nous ne sommes pas dans un « forfait cadre » classique relevant de l’encadrement des services mais dans les conditions d’exercice de métiers supposant de « bénéficier » d’un décompte annuel du temps de travail sur la base forfaitaire de journées de 7 heures. Les régimes indemnitaires de sujétions spéciales ont été conçus, depuis la création des corps, pour ne pas entrer à dessein dans des logiques comptables horaires et versements d’heures supplémentaires. L’exercice des métiers techniques et pédagogiques a toujours reposé sur la notion de confiance, de compétence technique, liée à des contrats d’objectifs ou lettres de mission, faisant l’objet d’évaluations adaptées aux situations d’emploi (DD, DR, établissements, mouvement sportif).

Sortir des DDCS et DDCSPP : une urgence pour sauver, missions, métiers et collègues !

L’affaire est grave et confirme notre mandat « tous en DR ! ». Une fois de plus la présence de Jeunesse et Sports dans les DDI est une aberration. Les sections régionales EPA et les délégués FSU dans les CT seront aux côtés des collègues dont les statuts et conditions de travail spécifiques sont mis en cause. Que le Conseil d’Etat annule la possibilité de soumettre l’ensemble des personnels ne veut pas dire que le décompte annuel ne peut être accordé à tous ceux qui revendiqueront leur statut de concepteur de leur action.

Le secrétariat national EPA-FSU

Télécharger la décision du Conseil d’Etat : Conseil d’Etat 20/02/2013