Les animateurs interdits de code du travail

Elles sont tous là,  personne ne manque à l’appel. Toutes les associations enfance-jeunesse se mobilisent : « Menaces sur les colos! »,  il faut les défendre… Elles s’adressent solennellement aux députés et aux sénateurs afin qu’ils interviennent auprès du gouvernement. Voici là un combat fondamental à mener dans l’unité afin que tous les enfants puissent avoir accès aux vacances… Enfin,  un tous ensemble !

Mon enthousiasme s’est vite estompé pour faire place à de l’étonnement et même à de l’indignation. La lettre pétition adressée à tous les parlementaires ne vise pas à demander un engagement financier à la hauteur de l’enjeu de la part de l’État en faveur du départ en vacances de tous. Elle alerte les parlementaires sur une menace qui pèse non d’ailleurs sur le Contrat d’engagement éducatif lui même mais sur son application :

« La volonté initiale de renforcer la sécurité juridique de ce secteur est remise en cause aujourd’hui par un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) le 14 octobre 2010, rendu dans le cadre d’un contentieux devant le Conseil d’État. Celle-ci confirme la validité du contrat d’engagement éducatif, mais en l’absence d’informations suffisantes, elle considère qu’il n’est pas conforme à la législation européenne du travail dans la mesure où il ne prévoit pas de repos quotidien ou au minimum de périodes équivalentes de repos compensateur adaptées aux contraintes particulières de l’exercice. »

Oui effectivement cet arrêt de la CJUE risque de coûter cher aux organisateurs; Oui effectivement , l’application de la législation du travail augmentera les charges salariales des employeurs ! Faut-il pour cela continuer à déroger au code du travail ? Poser la question c’est y répondre !

Le contrat d’engagement éducatif est une « mine d’or » pour les employeurs et un corset très serré pour les animateurs. Les organisateurs peuvent employer des animateurs durant 80 jours par an, en ne leur versant que 2,1 heures de SMIC par journée de travail complet. Certaine journée en «colonie de vacances» dépasse les 16 heures ! Ce contrat d’engagement éducatif utilisable dans les associations et les entreprises privées bafoue le code du travail français et européen (art. 5 et 6 notamment) et déroge aux taux de cotisations sociales. Les employeurs qui n’ignorent pas que les sénateurs de gauche ont voté contre la loi instituant le contrat d’engagement éducatif essayent de masquer la réalité en appelant au volontariat :

« Ce volontariat est un vecteur de lien social et un instrument d’éducation collective. Le temps d’engagement des jeunes, quelques semaines par an, ne peut constituer une concurrence au travail. Ce serait même un leurre que de laisser imaginer que l’animation occasionnelle en CVL pourrait constituer un gisement d’emploi. Pour ces raisons la plateforme des ACM demande au gouvernement d’envisager un volontariat spécifique. »

Aucune contorsion ne peut cacher la vérité :  cet « engagement éducatif » est une dérogation du code du travail qui permet aux employeurs de faire des économies substantielles sur le dos des salariés. Ils s’inscrivent dans une logique libérale de dérèglementation ; ces quelques semaines par an (près de 12 semaines) constituent pour beaucoup de personnes en recherche d’emplois une source de revenus …

Les associations d’éducation d’ éducation populaire passent de la transformation sociale au libéralisme, sans aucun remord. Face aux réductions des crédits publics affectés aux associations, certaines d’entre elles ont licencié du personnel… Le « volontariat » et l’engagement éducatif sont des outils de gestion permettant d’avoir du personnel à moindre coût. Aujourd’hui les principales organisations, du moins leurs dirigeants lancent un appel pour aller plus loin dans la dérèglementation. Elles demandent « au gouvernement d’envisager un volontariat spécifique. Il ne concernerait que l’animation occasionnelle en ACM et en séjours adaptés. Il l’inscrirait définitivement dans le registre de l’engagement volontaire et non du travail salarié.”

Les ACM  (accueils collectifs de mineurs) seraient ainsi considérés hors champ personnel salarié. Les syndicats de salariés qui s’étaient opposés dès le début du projet à ces dérogations du code du travail continuent à se mobiliser contre un système inique. La défense nécessaire des centres de vacances qu’on continue à appeler « les colos » passe par une bataille unitaire regroupant les organisateurs, les associations familiales, les collectivités territoriales et les organisations syndicales pour que l’État assume ses responsabilités en dégageant les crédits nécessaires pour le départ en vacances.

Jean-François Chalot