« J’peupa G promis detou Kc »

Roxana Maracineanu le 11 septembre 2018 lors d’un entretien avec le journal L’Équipe a déclaré : « il n’est pas question de licencier les CTS… ». Quel scoop ! Quelle annonce ! On ne va pas licencier des fonctionnaires. Merci Madame la ministre pour cette précision qui méritait vraiment d’être effectuée notamment à destination de celles ou ceux qui ne connaissaient pas le statut de la Fonction Publique, voire le méprisent. Peut-être est-ce une découverte pour celle qui a accepté très récemment de participer à la transformation de notre pays en start-up nation, celle qui a accepté de finir le travail de destruction massive entamée par Laura Flessel (bien aidée par le président du CNOSF, le monde économique représenté par le MEDEF, un consultant issu du monde des collectivités territoriales et sa directrice des sports). La démission de Nicolas Hulot a fortement été influencée par le poids démesuré des groupements d’influence dans les prises de décisions jupitériennes, celle de Laura Flessel pourrait également trouver son origine dans ce mode de fonctionnement.

« …Ce qui change pour eux, c’est leur statut : ils ne seront plus forcément fonctionnaires », continue-t-elle sans sourciller comme si l’énormité de son propos n’était finalement qu’une anecdote…

Plus loin, elle affirme que : « l’association qu’[elle] dirigeai[t] (J’peupa G piscine) vit par exemple avec zéro subvention et sans CTS ». Banco Manu ! T’as trouvé la ministre qu’il te fallait. De Rugy à l’Environnement et Maracineanu aux Sports, c’est du caviar pour ton projet digne du banquier de chez Rothschild que tu fus et que tu seras sûrement de nouveau une fois la voie libre et non faussée…

Sauf que tout ça n’est pas drôle, pas drôle du tout. Ça dépasse bien largement la situation de 1600 fonctionnaires pour lesquels l’opinion publique, matraquée à longueur de JT de discours anti-fonctionnaires, ne s’émouvra pas.

Sauf que tout ça a des conséquences sur le sport en France qui repose sur une organisation particulière dans laquelle l’État a la compétence sans agir seul. Il délègue au mouvement sportif une partie de ses compétences en lui attribuant des moyens financiers (subventions) et humains (les fameux 1 600 CTS, cadres A de la Fonction Publique). Il emploie également d’autres cadres techniques affectés dans des services déconcentrés ou des établissements dont les missions au service du sport concernent la promotion, le développement de pratiques éducatives et la formation. Cette organisation permet au sport de se développer à tous les niveaux et de ne pas privilégier ce qui rapporte mais plutôt ce qui apporte. Apporte au niveau éducatif avec un État garant cette dimension avec des personnels techniques et pédagogiques (PTP), titulaires de diplômes universitaires (au moins bac +3) et/ou de qualifications professionnelles dans le sport, de même niveau. La formation des éducateurs sportifs, l’accompagnement des acteurs du sport dans la réalisation de leurs projets sportifs, l’entraînement de jeunes sportifs de haut-niveau, etc. sont réalisés au travers d’une démarche éducative pour tenter d’ajouter à la performance d’autres valeurs que le seul résultat. La neutralité, l’autonomie et la franchise pédagogique des PTP qui permettaient cela sont aujourd’hui clairement menacées.

Cette organisation qui fait ses preuves depuis qu’elle est en place permet à un pays de 66 millions d’habitants d’être régulièrement dans les meilleures nations mondiales lors des Jeux Olympiques et Paralympiques et ce dans un nombre très important de disciplines. Cette dernière précision est fondamentale car ce résultat est en partie dû au fait que l’État permet le développement de toutes les disciplines en attribuant des moyens à chaque fédération sportive afin qu’elle puisse se développer sur tout le territoire.

Que se passera-t-il lorsque l’État ne financera plus le sport ou qu’il ne placera plus des cadres techniques dans les fédérations ? La réponse se situe Outre-Manche où seules les fédérations riches et potentiellement « médaillables » sont soutenues. Quel type de fédération le monde économique choisira-t-il de soutenir ? Celles à 50 000 licencié(e)s ou celles à plus de 500 000 ? Quel avenir sera donné au projet éducatif porté aujourd’hui par des personnels techniques et pédagogiques recrutés à dessein ? L’État a jusqu’alors permis à tous les sports d’exister en mobilisant des moyens et en cherchant au maximum les rééquilibrages tant au niveau des disciplines que des territoires. Ce modèle est en passe d’être brisé sous prétexte de misérables économies alors que le nombre de millionnaires et le capital des milliardaires augmentent presqu’aussi vite que le nombre de pauvres…

Le « Vieux Monde » est de retour ; derrière le masque du gendre idéal, du jeune cadre dynamique, se cache le projet funeste des héritiers de Jean-Baptiste Say ou d’Adam Smith dont la devise « Laissez faire, laissez passer » n’a pas pris une ride depuis 200 ans…

Il nous faut réagir, non pas par pur réflexe corporatiste, mais pour réaffirmer notre attachement à l’organisation du sport en France. Cette politique ne date pas des années 60 comme l’affirme dans un communiqué le Premier Ministre. Elle a su évoluer, s’adapter tout en réaffirmant sa spécificité, son originalité (loi Avice 1984, Buffet 2000…) et devenir in fine un modèle ancré dans les valeurs de notre république. Cette organisation est moderne et adaptée au développement du sport à tous les niveaux, sur tous les territoires. Finalement, si elle souffre, ce n’est qu’en raison des moyens ridicules qui lui sont alloués et des réformes successives (RGPP, MAP et bientôt AP 2022) qui ont organisé de manière programmatique sa destruction avec celle du service public. Si elle doit évoluer, ce n’est certainement pas vers une politique qui n’a que pour unique objectif de brader du fonctionnaire, mais au contraire vers une politique sportive de l’État qui éduque et émancipe.