Formation initiale statutaire et Concours 2018 : Choisir les premiers de cordée ?

« La jeunesse actuelle est-elle, par nécessité ou par choix, une génération d’entrepreneurs ? »

« Les associations doivent rendre compte du bon usage des subventions reçues pour conduire leur(s) projet(s). Quelle analyse faites-vous des objectifs, méthodes et enjeux de ces principes d’évaluation et/ou de contrôle ? »

« Dans la conduite du projet des associations sportives, la place tenue par la dimension économique évolue. Votre supérieur hiérarchique vous demande d’étudier l’opportunité de mettre en place une stratégie permettant d’accompagner l’évolution des associations dans ce domaine. »

Tels ont été les sujets des épreuves des concours de profs de sports et de CEPJ 2018. De quoi être inquiets. La sacro-sainte « thèse, anti-thèse, synthèse » invite tout candidat à peser le pour et la contre… pour finalement être pour. Le jury (quand bien même il soit constitué majoritairement par des collègues) tolèrera-t-il une argumentation qui démontre que le rôle d’un conseiller d’éducation populaire ou d’un prof de sport n’est pas d’accompagner les associations pour qu’elles s’adaptent aux exigences du marché mais qu’elles développent leur projet associatif lequel peut être aussi de transformer  la société. Diront-ils « Hors-sujet »  ?

Si les métiers et les tâches effectuées au quotidien ont déjà bien évolué ces dernières années, les sujets de cette année gravent des dérives dans le marbre. Pour devenir fonctionnaire, il faut se mettre « en marche », filer (à) droit(e) et ne surtout pas quitter la cordée. Il va falloir apprendre aux associations à se passer des subventions et aux jeunes à entreprendre (qu’ils en aient le désir ou non). Bref, il va falloir collaborer au démantèlement des services publics, à la fin de la subvention et du modèle social français.

 

Formation initiale : une vision technocratique de formatage. 

 

Pour celles et ceux qui ont débuté leur période de stage, les reçus du concours 2017, surtout ne pas quitter la cordée et filer droit. Nous avons pris connaissance des courriers qui ont été adressés aux directeurs de stage des actuels CEPJ stagiaires. Le procédé est nouveau et se donne à lire plutôt comme une mesure d’intimidation collective. Le courrier de la DRH est inquiétant et déplaisant car il ne dit rien des faits reprochés. « Un manque de respect à l’encontre des intervenants et de l’équipe pédagogique » est une indication vague qui conduit donc certains directeurs de stages à solliciter auprès des stagiaires des explications écrites -des autocritiques ?- et à prendre contact avec la DRH ou le CREPS de Poitiers. Les seuls écrits risquent donc d’être ceux que les stagiaires rédigeront.

A tout le moins les élus de la CAP auraient dû être destinataires du courrier adressé aux directeurs de stage et des faits précis car c’est la CAP qui prochainement va avoir à formuler un avis obligatoire sur chaque stagiaire.

Les syndicats ont déjà exprimé devant l’inspection générale qu’ils portent un jugement sévère sur ce que la formation initiale est devenue. Cette dernière ne tient plus compte de nombreux aspects de la pratique technique et pédagogique du « métier » de CEPJ car elle est portée par une vision technocratique de formatage. Nous avons porté des propositions qui n’ont pas été entendues.

Les actuelles réflexions menées avec la DJEPVA visent à réformer le concours et la FIS pour rendre cette dernière plus attractive et adaptée. Il est donc fort déplaisant de constater qu’une toute autre démarche est conduite par la DRH dans la formation initiale statutaire actuelle.

Il est consternant d’avoir à constater par un tel courrier de rappel à l’ordre que le dispositif actuel est incapable de prendre en considération l’effet désolant qu’une FIS inadaptée peut provoquer chez des stagiaires adultes ayant passé un concours pour exercer un métier de type éducatif lorsqu’ils ont à subir un cursus de formation désincarné sur ce point.

Nous avons demandé à la DRH que ce point soit inscrit à l’ordre du jour de la prochaine CAP et nous avons alerté la DJEPVA.

Nous souhaitons la bienvenue à tous ceux qui auront la chance d’être admis.[1] La situation présente nous oblige. Dans l’action, collective et syndicale, tenir bon sur le développement des pratiques professionnelles qui visent l’émancipation pour que les sujets de concours et la FIS ne soient que de mauvais souvenirs pour nos futurs collègues.

 

 

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[1] Pour celui ou celle qui lève le nez de sa copie ou de son écran d’ordinateur, qui ouvre un bouquin ou qui regarde par la fenêtre, il se pourrait bien qu’il y ait tout de même une faille, et par cette faille de la lumière. Car cette tentative de contrôle a priori de la pensée et de formatage de la production intellectuelle semble un peu désespérée, soyons honnêtes. Elle est bien trop grotesque pour qu’elle ne puisse être le symptôme d’une classe dominante qui fait tout ce qu’elle peut pour faire croire que les lois du marchés et l’idéologie néolibérale sont naturelles et ne souffrent pas d’alternatives. Le système prend l’eau et ses ruissellements font fleurir les luttes.

Conseils de lecture. Carnets de prison d’Antonio Gramsci (notamment Antonio Gramsci. Guerre de mouvement, guerre de position. La Fabrique. 2012) Et par la même occasion, le Capitalisme, désir et servitude de Frédéric Lordon publié par La Fabrique en 2010 et, à peu de choses près, tous les bouquins des Editions la Fabrique (on a pas d’actions là bas).