Rencontre intersyndicale JS et groupes parlementaires à l’Assemblée Nationale mercredi 13/01/16

” Comment le modèle éducatif (sport-activités physiques et sportives – éducation populaire) français, peut-il s’inscrire dans la nécessaire réponse collective face aux défis de la société du début du 21è siècle ? “

Organisatrice : Madame Marie-George BUFFET

En présence des représentants des groupes parlementaires :

Socialiste, républicain et citoyen

M. Pascal Deguilhem ; M. Pascal Démarche; M. Régis Juanito; M. Michel Ménard ; Mme Julie Sommaruga

+ la collaboratrice de Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

+ contribution écrite de M. Hervé Féron (excusé)

Les Républicains

M. Xavier Breton ; Mme Sophie Dion ; Mme Annie Genevard ; M. Dominique Tian

Union des démocrates et indépendants

M. François Rochebloine

Radical, républicain, démocrate et progressiste

Mme Gilda Hobert

Ecologiste

Mme Isabelle Attard, excusée mais devait être présente

Gauche démocrate et républicaine

Mme Marie-George Buffet

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Déclaration de l’intersyndicale

SNPJS (CGT); EPA – SNEP (FSU) ; AI – SEP – SNAPS (UNSA/Education)

Le ministère de la jeunesse et des sports sera éducatif ou ne sera plus !

Mesdames, Messieurs,

Tous les personnes présentes aujourd’hui connaissent parfaitement les organisations partenariales françaises du sport et de l’éducation populaire, qui malgré leurs spécificités respectives ont beaucoup de similitudes.

Les trois principales, non exhaustives bien-sûr, sont les suivantes :

  • ces activités s’adressent à toute la population avec une priorité, malheureusement, insuffisamment affirmée, encore moins réalisée, en direction des publics jeunes et plus généralement de l’éducation populaire. Je me permets pour illustrer cette affirmation, de paraphraser Denis Masséglia, président du CNOSF, qui affirmait il y a quelques années lors du salon des maires que : « pour développer la pratique des APS à destination des publics adultes, le plus efficace est de leur faire découvrir et apprécier, voire aimer, ces activités dans leur jeunesse. ». Cette affirmation ne voulait, bien entendu, absolument pas exclure les actions en faveur des publics adultes, mais rappeler leurs limites… actuelles. Et peut-être, mais il s’agit là de notre interprétation, rappeler quelle direction prioritaire devrait prendre les politiques à mener dans le champ du sport et de l’éducation populaire ;

  • ces activités s’exercent dans de nombreux cadres insuffisamment imbriqués, dont les deux plus importants sont d’une part les champs scolaire et universitaire et d’autre part le champ associatif piloté par les fédérations sportives, de jeunesse et d’éducation populaire. Fédérations qui n’ont cessé de grandir au cours du temps devenant indispensables non seulement aux champs définis par leur objet, mais au fonctionnement global de la société française ;

  • ces activités relèvent d’un ministère « dédié » commun, qui contre vents et marées, essentiellement descendantes, existe encore sous le vocable que tout le monde connaît et reconnaît : « Le ministère de la Jeunesse et des Sports »… Ministère qui ne peut plus et depuis longtemps prétendre, si tant est que cela ait été un jour sa vocation, régenter ces champs, ni même prétendre être indispensable à leur existence et fonctionnement. Mais qui, à contrario a toujours la « prétention » de pouvoir apporter un plus au développement quantitatif et qualitatif des pratiques concernées (à l’image des additifs au ciment qui en accélèrent la prise et/ou la solidité… voire la résistance dans des milieux difficiles). Cette prétention ne peut pas passer par l’intermédiaire des affirmations, particulièrement fluctuantes et incohérentes depuis une dizaine d’années, de nos exécutifs, mais par son action reconnue et attestée ainsi que par le professionnalisme de ses personnels.

Vous l’aurez donc compris c’est un appel vibrant, solennel et responsable que les personnels de ce ministère vous lancent aujourd’hui… En effet, notre ministère, mais c’est également le vôtre, ainsi que celui de tous les pratiquants et citoyens, est non seulement en très grande difficulté (nous allons y revenir), mais également directement menacé de disparition à brève échéance.

Attention, ce n’est pas l’existence d’un ministre J&S qui est réellement menacée, car l’appellation J&S porte en elle quelques attraits politiciens… mais la réalité et l’efficacité de l’action d’un ministère J&S miné par trois fléaux interconnectés, que je vous présenterais non par ordre d’importance mais de perniciosité.

I/ La perte de moyens et de surface.

Le ministère, outre un budget misérable récurrent, a perdu presque 40% de ses personnels passant en une dizaine d’années de 8000 agents à 5000. Cette perte est en réalité bien plus conséquente si l’on considère que :

    • le détournement de l’action des personnels J&S vers les missions des autres secteurs de la cohésion sociale est supérieur à l’apport quasi-négligeable des personnels de ces secteurs aux missions J&S qui leur sont totalement étrangères et pour lesquelles ils sont en général incompétents… donc in intéressés ;

    • la fermeture de 7 CREPS n’a en rien stoppé les suppressions de postes dans les établissements restants ;

    • la fermeture symbolique de l’INJEP (Institut National de la Jeunesse et de l’Education Populaire), autrefois à Marly-le-Roi qui démontre la volonté de l’Etat de se séparer d’un outil historique sur les questions de recherche et de formation sur les questions de Jeunesse et d’Education populaire ;

    • l’illisibilité du positionnement des DDCS/PP du fait de leur rattachement au 1er Ministre et non plus au ministre J&S et de la perte du sigle J&S. Illisibilité renforcée par le refus de beaucoup de préfets de laisser perdurer les missions éducatrices du MJS du fait que celles-ci ne relèvent pas de leur responsabilité.

Le ministère a donc atteint aujourd’hui le seuil à partir duquel toute nouvelle perte de moyens le rendra inopérant et ingérable (c’est déjà le cas pour un certain nombre de corps dont la gestion devient quasi-impossible en raison d’une couverture nationale insuffisante).

Dans ce cadre, les déclarations politiciennes qui décrètent sans la moindre traduction budgétaire, que :

    • les établissements sont prioritaires ;

    • le dispositif des cadres techniques est prioritaire ;

    • l’échelon régional doit être renforcé comme échelon pilote ;

    • l’échelon départemental doit être renforcé comme échelon de proximité (ce qui est un leurre par le truchement des DDCS/PP comme nous le verrons plus loin) ;

fragilise encore un peu plus l’édifice global.

Les personnels J&S appellent depuis la mise en place suicidaire de la RGPP une véritable réforme « propre » au MJS (présentée plus loin).

II/ Le naufrage du SGMAS1 qui entraîne par le fond tous les personnels J&S.

La création du SGMAS avait pour intention non dissimulée à de faire disparaître à court terme le ministère et les personnels J&S. Le rapport Bocquet en fixait les modalités par la suppression des cadres techniques (remplacés par un subventionnement des fédérations), de tous les corps technico-pédagogiques (PS, CEPJ, CTPS), l’intégration des IJS (Inspecteurs de la Jeunesse et des Sports) dans le corps des IASS (Inspecteurs des Affaires Sociales) et le retour de tous personnels administratifs de l’Education Nationale dans leur ministère d’origine.

Cependant, devant les réactions du mouvement sportif et des personnels, suite à un arbitrage venu à l’époque directement de l’Elysée, le rapport Bocquet n’a pas été suivi d’effets. Au grand dam du SGMAS l’entité J&S a été maintenue grâce à la reconnaissance de ses missions d’Etat spécifiques. Néanmoins, depuis cette époque le SGMAS persiste dans son entreprise de démantèlement des emplois originaires de l’éducation nationale qui constituent l’ossature de de la filière administrative J&S. Malmenés sur le plan des indemnités, des régimes de travail et congés, les collègues de l’éducation nationale voient systématiquement leurs postes transformés en emplois génériques hors éducation nationale.

Dans un mouvement parallèle toute la filière technique et pédagogique « sport » et « jeunesse » se retrouve exposée à un encadrement ignorant les métiers de formateurs et l’accompagnement des pratiques éducatives tout au long de la vie.

Si tout le schéma cohésion sociale est en déshérence et nous n’hésitons pas à l’affirmer : l’organisation du travail est particulièrement anxiogène dans le champ de la J&S, voire harcelante en raison du capharnaüm et des ruptures de réseau DRJSCS/DDI/Etablissements.

Côté jeunesse éducation populaire, l’INJEP est supprimé, la DJEPVA réduite à un ensemble sans ambition ne gérant plus que des dispositifs. Le désarroi de nos collègues est significatif. Ils s’interrogent sur ce qui reste de sens dans le va-et-vient des missions. La direction des sports s’arroge des compétences de gestion sur les CTS et les établissements du sport dans un partage peu réglementaire qui suit les cours des moments.

Jamais un tel point de délitement n’a pu être observé. Les cohérences de gestion autrefois structurantes entre les directions dites d’objectifs et l’administration générale du ministère n’existent plus. Le SGMAS est placé en position de grand timonier d’un ensemble hétéroclite où la J&S n’est qu’un agglomérat à faire disparaître. Les dysfonctionnements sont récurrents de la centralisation des payes aux logiciels inadaptés pour la gestion des carrières structurées sur la base de celles de l’éducation nationale. Le SGMAS est aujourd’hui une bombe à retardement et la tête d’une organisation harcelante pour les agents J&S.

III/ L’abandon des missions techniques et pédagogiques qui fondent la légitimité du MJS.

Le MJS, à l’image du ministère éducatif de référence le MENESR est composé à 80% d’agents de catégorie A. Au sein de cette catégorie, les « enseignants » sont eux-mêmes ultra-majoritaires. De ce fait :

    • la DRH commune à l’EN et l’ESR gère donc prioritairement des personnels de catégorie A ayant des missions opérationnelles éducatives ;

    • les services déconcentrés du MENESR échappent pour la quasi-totalité de leurs missions à la tutelle du préfet qui n’a ni autorité, ni compétence en la matière.

A l’inverse, les ministères du travail et de la santé et leurs services déconcentrés gérés par le SGMAS sont eux composés de 20% d’agents de catégories A et n’ont aucune mission éducative. Pire leurs missions opérationnelles se résument à l’inspection et au contrôle, les autres missions opérationnelles étant déléguées (notamment l’assistance publique pour la santé).

En conséquence, les DRJSCS, les DDCS/PP, ainsi que les préfets qui ont autorité sur ces services n’accordent aucune importance au cœur de métier du ministère J&S. Pire, ils prétendent majoritairement que ces missions n’ont rien à faire dans ces services et que les PTP sport et jeunesse doivent s’inscrire dans des missions administratives de coordination ou de direction par respect à leur appartenance à la catégorie A. Les deux exemples les plus frappants sont le combat de certains directeurs et préfets pour faire sortir les CTS des DRJSCS et la volonté d’autres de ne concevoir le métier des PTP que dans un bureau et derrière un ordinateur.

Ce qui fondent la légitimité et la compétence des « enseignants » c’est justement, dans le cadre de programmes en général nationaux et d’une déontologie spécifique, leur autonomie pédagogique (ce n’est pas le proviseur qui a autorité sur l’action pédagogique des professeurs). Sans cette autonomie, qui permet aux PTP sport et jeunesse d’encadrer, entraîner ou former des pratiquants ou des cadres, de conseiller les associations, voire les collectivités territoriales, etc., ces personnels n’ont plus de raisons d’être, tout comme un ministère J&S dont la vocation deviendrait alors purement administrative.

Face à ce constat catastrophique, le seul moyen pour l’intersyndicale J&S de sauver ce qui reste du MJS et de lui rendre ses légitimité, crédibilité et efficacité est de reconnaître son caractère prioritairement éducatif… Tout comme nous pensons que les APS, dans la quasi-totalité de leurs formes de pratiques et d’organisations, sont avant tout éducatives (pour l’éducation populaire cela paraît évident), et que c’est derrière cette valeur éducative que l’unité des pratiques et des structures pourra perdurer et se développer.

Pour cela, nous proposons un certain nombre de pistes, pour la plupart simples et logiques, souvent consensuelles :

1/ la création du pôle éducatif promis par le Président de la République.

Celui-ci serait matérialisé par la sortie du MJS du SGMAS pour un rattachement au SG de l’ENESR.

Il ne s’agirait là :

    • que de la mise en place d’une promesse du PR qui de surcroît constituerait une partie de la priorité éducative que nous revendiquons comme beaucoup d’autres composantes de la société suite aux tragiques évènements de janvier et novembre 2015. Priorité éducative qui devrait prendre toute sa place en parallèle du pacte de sécurité déjà adopté ;

    • d’un retour aux sources, qui permettrait une gestion des corps J&S à l’image des corps enseignants du MENESR et d’un possible désamorçage de la bombe SGMAS qui retrouverait ainsi ses repères face aux seuls ministères de la santé et du travail.

2/ La création de services régionaux JS pourvus d’unités territoriales.

La création de services déconcentrés régionaux J&S, étroitement liés avec les CREPS, distincts des services régionaux de la santé, mais à contrario, dont le siège et les unités territoriales pourraient éventuellement être connectés (intégrés ou possédant une logistique commune) avec les rectorats et inspections académiques.

Cette organisation permettrait, grâce au maillage du territoire de l’EN et des CREPS, d’implanter les unités territoriales nécessaires tant au plan départemental qu’interdépartemental, notamment à l’échelle des territoires des régions métropolitaines supprimées au 1/01/16.

La priorité des nouvelles DRJS serait d’inscrire ses missions éducatrices, notamment la formation des cadres et le développement des pratiques, dans un partenariat avec les mouvements sportifs et d’éducation populaire et les collectivités territoriales.

Cette organisation permettrait également d’inscrire enfin dans les politiques de développement des APS une meilleure complémentarité entre le sport scolaire et fédéral au profit de tous les jeunes.

Cette organisation serait également logique au regard de la volonté consensuelle de créer des commissions régionales du sport regroupant l’Etat, les collectivités territoriales et le mouvement sportif.

3/ La redéfinition des missions de proximité.

La volonté de faire porter les missions de proximité par les DDCS/PP est un échec. La « préfectoralisation » de ces structures et leur absence de lien direct avec le MJS, les ont transformé en simple relais administratif entre les associations et le niveau régional (réel siège des politiques sportives et d’éducation populaire).

L’informatisation des échanges fait qu’aujourd’hui les missions de proximité sont davantage portées par les établissements JS et les CTS qui sont quotidiennement et réellement au contact des pratiques que par des DDI administratives et transversales.

Les missions de proximité J&S ne peuvent plus passer par des programmes technocratiques décidés à l’échelle des cabinets ministériels que les préfets sont totalement incapables de mettre en place, faute de moyens et de compétence pédagogique. D’autant que face à notre demande de dialogue social sur les missions du Service Public du Sport, il nous est systématiquement répondu dialogue social sur les structures de la Cohésion Sociale.

Seule la création d’équipes techniques régionales dédiées à des missions spécifiques permettraient aux agents d’une même entité (la direction régionale J&S), mais affectés au sein de ses différentes unités territoriales d’intervenir, de manière coordonnée, sur les lieux réels de pratiques et au contact des associations et des collectivités territoriales.

La conclusion de l’intersyndicale JS est de réaffirmer que :

Le ministère de la jeunesse et des sports ne peut qu’être éducatif ou ne sera plus !

L’intersyndicale JS qui représente la quasi-totalité des personnels du MJS et la totalité de ses personnels techniques et pédagogiques remercie madame Marie-George BUFFET pour son initiative et son invitation.

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1 Secrétariat Général des Ministères Chargés des Affaires Sociales.