Rythmes scolaires : créer les conditions d’une ambition éducative complémentaire à l’École

La présente contribution ne prétend pas être exhaustive. Elle veut principalement traiter du versant « hors temps scolaire » d’une réforme qui, bien que décriée par plusieurs composantes sociales, politiques et syndicales, est également soutenue dans ses fondements et son ambition initiale par nombre de mouvements d’éducation populaire et des syndicats du secteur. Cette réforme fait d’ailleurs écho à l’appel dit de Bobigny (octobre 2010) signé par l’essentiel des composantes associatives et les principaux syndicats de l’éducation, à l’initiative du réseau français des villes éducatrices.

Inscrite dans le contexte général de la « refondation » de l’École, il est assez inévitable que des opposants politiques et syndicaux portent une appréciation globalement négative sur la réforme des rythmes scolaires. La présente étude ne veut pas prendre ce parti. Elle se limite à interroger l’actualité du dispositif et sa complexité ainsi que certaines zones d’ombre.

Délibérée au conseil national d’EPA, elle devient un document de réflexion et de propositions pour renouer avec l’ambition voulue par une majorité d’acteurs de l’éducation populaire (militants, professionnels et syndicalistes). Ce regard critique veut servir une amélioration du processus global d’éducation dans une République affichant une dimension éducative tout au long de la vie.

À cet effet, chaque paragraphe sera assorti d’une « préconisation » possible afin de ne pas rester dans l’analyse et tenter d’agir sur l’existant.

Le rôle incontournable des communes (ou intercommunalités) dans la réforme

Voulue par l’État, cette réforme renvoie dans les faits aux communes les modalités de prise en charge financière, technique, voire pédagogique. Cela pose à la fois des problèmes de moyens à pérenniser autant que de précautions à prendre pour que les maires ne soient pas érigés en nouveaux managers de l’école communale. Ce risque gripperait le processus. L’École de la République doit être mise à l’écart de tous les prosélytismes.

Les aides financières de l’État qui n’ont qu’un caractère transitoire et, dans certains cas, symbolique au regard du coût réel dans plusieurs communes, ont été récemment prolongées jusqu’en 2017. C’est un premier pas vers une pérennisation à rechercher. Les villes sont les premières exposées à la prise en charge du périscolaire. Afin de limiter l’impact salarial sur les communes ou sur les associations gestionnaires subventionnées, les maires usent d’un lobbying efficace à l’égard de l’État. Il aboutit principalement à « assouplir » les taux d’encadrements ! Ce n’est pas la meilleure entrée dans la réflexion pédagogique.

La maîtrise des finances publiques est partout mise en avant. Tous les échelons territoriaux des services publics sont à la fois soumis aux règles et injonctions comptables qui commandent des réductions de dépenses publiques mais aussi au paradoxe d’avoir à financer à court terme une réforme des rythmes scolaires nécessairement coûteuse si elle est de qualité et concertée avec les familles, les enseignants, les acteurs périscolaires.

Les assouplissements opérés dernièrement dans les textes organisant le temps périscolaire éludent la question pourtant centrale de la nécessaire coordination de tous les acteurs (enseignants, parents, animateurs, associations habilitées, représentants de l’État et des collectivités) pour dégager de la cohérence éducative au service de chaque enfant. Cette concertation est pourtant la pierre angulaire du projet. Elle pose comme postulat que les temps de l’enfant ne sont pas sécables au gré des « législations » s’appliquant aux opérateurs (scolaire, périscolaire, extrascolaire, responsabilité parentale). Les temps de l’enfant sont liés aux « journées » qui englobent le temps scolaire combiné à d’autres temps éducatifs et de socialisation.

Cette concertation permanente – condition première d’une réforme à réussir – devrait avoir pour vertu de placer les maires dans une posture d’écoute et de dialogue avec les opérateurs et autres acteurs institutionnels de l’éducation formelle et non formelle. Cette posture d’écoute et de réponse aurait aussi le mérite de relativiser sérieusement les risques (fantasmés ou non) de « municipalisation » de l’École primaire.

Sur environ 4 000 communes ayant opté pour la semaine de neuf demi-journées en 2013/2014 seulement la moitié ont produit un projet éducatif territorial (PEDT). Depuis la rentrée 2014/2O15 et l’obligation pour toutes les écoles publiques de mettre en œuvre la réforme, moins de la moitié des communes ont opté pour l’élaboration d’un PEDT. Or, dans son principe, un PEDT bien élaboré suppose une large concertation locale. On mesure le chemin à parcourir pour convaincre sur l’ensemble du territoire des mérites de mises en dialogues favorisant les décloisonnements institutionnels et professionnels.

Préconisation : organiser dans chaque département, sous l’égide conjointe du Préfet, de la DSDEN et de la DDCS/PP, des réunions invitant les maires et leurs adjoints en charge des questions éducatives et de jeunesses pour exposer la méthodologie et l’intérêt des PEDT. Inviter à ces réunions les acteurs associatifs départementaux, les fédérations de parents d’élèves, pour en faire de véritables temps d’échanges et de découvertes. L’organisation de ces réunions peut être une émanation, via un groupe ad hoc de la cellule de veille départementale (groupe d’appui).

Le caractère « facultatif » des activités périscolaires : une impasse éducative

Face aux coûts de mise en place des activités périscolaires, le ministre de l’éducation a été conduit à préciser le caractère facultatif des temps d’activités périscolaires (dits TAP). Les familles n’ont pas obligation de laisser leurs enfants y participer lorsque la classe est terminée. De la même manière, les communes ont toute faculté d’adapter l’organisation et le contenu du périscolaire aux contingences locales avec tout ce que cela peut comporter de défausse pour limiter des coûts puisque le financement est névralgique. L’aspect facultatif du temps d’activités périscolaires peut avoir pour conséquence de réduire la réforme au seul redéploiement du temps scolaire. Autant dire qu’on passe alors à côté, par contrepied au discours sur la qualité la justifiant et sa possible contribution contre l’échec scolaire.

Il va de soi que l’ambition et la cohérence éducative commandent que ces activités périscolaires soient dispensées en recherchant la gratuité et les mécanismes de prise en charge pour les plus modestes car il s’agit d’un service public complémentaire à celui de l’École où les premiers intéressés devraient être les milieux les plus modestes. Les récentes statistiques témoignent de taux très conséquents d’élèves (de 70 à 90%) ne fréquentant pas les activités périscolaires sur des quartiers marqués par la pauvreté.

Le fait de « penser » la semaine éducative sur 5 jours du lundi au samedi (principes de réflexion des mouvements d’éducation populaire autour du temps scolaire, périscolaire et extrascolaire) aurait été un bon signal. Au lieu de cela, les grilles hebdomadaires arrêtées pour chaque commune se contentent souvent de cibler en plages de temps coloriés différentes ce qui relève du temps scolaire préservé (soit 24 heures hebdomadaires pérennisant la perte récente de 2 heures sous le régime politique antérieur), des 3 heures morcelées ou regroupées affectées au « TAP », de l’accueil antérieur périscolaire facultatif généralement payant, voire de l’extrascolaire là où il est organisé.

Sans mise en place réelle d’activités éducatives, la réforme (déjà très assouplie) perd toute consistance et crédibilité. L’existence d’activités éducatives réelles n’est au demeurant en rien conditionnée par l’existence d’un projet éducatif territorial. On peut ainsi avoir sur un même bassin une commune décidant d’avoir un PEDT et des activités éducatives consistantes, une autre n’ayant que des activités éducatives sans PEDT et une autre n’ayant rien prévu du tout. Cette situation, provoquée par le fait que l’État ne peut forcer la main des communes, aboutit de facto à des ruptures d’égalité entre les territoires.

La décision de l’État de transformer le fonds d’amorçage en fond pour le développement des activités périscolaires et de cibler les communes ayant un projet éducatif de territoire va dans le bon sens. Mais il y a toutefois une dérive d’effet d’aubaine très perverse. Les PEDT qui arrivent depuis cette annonce sont souvent des constructions théoriques élaborées sans réelle concertation des acteurs sur le fond dans le but de drainer les financements de l’État.

Il n’en reste pas moins que ces financements, appuyés sur le nombre d’enfants scolarisés dans la commune, restent dérisoires pour les communes rurales à petits effectifs.

Préconisation : inciter activement (brochure spécifique, réunion de travail, démarche DDCS/PP…) chaque commune à mettre en place des activités éducatives réelles en mobilisant toutes les pistes de financement pour le faire. Prévoir expressément, au nom de la compétence jeunesse dévolue principalement aux niveaux des communes et de l’État, des priorités explicites d’engagements budgétaires dès l’année 2015. Il en va de la réussite de la réforme, de son accueil dans l’opinion.

Penser dans le concret la réforme des rythmes scolaires c’est accepter que l’École ne soit pas seule en propriété de l’éducation, c’est aussi faire évoluer la loi

Si on veut réussir la réforme avec ambition, le procès souvent populiste fait aux enseignants de ne pas savoir ni vouloir s’ouvrir sur l’extérieur doit être soigneusement évacué. Il s’agit là d’un principe élémentaire allant bien au-delà d’une posture diplomatique. Toutes les questions d’organisation mal perçues et mal traitées ne tiennent pas aux pratiques ou profils des enseignants, mais au « système » administratif qui fait que le temps scolaire est considéré comme « à part » parce que la République s’est donnée une obligation de scolarité jusqu’à 16 ans. Elle la garantit par un arsenal légal et administratif. Dire cela n’est pas remettre en cause le statut national des enseignants, plaider pour un quelconque contre modèle anglo-saxon. C’est vérifier que les logiques d’emploi du temps de la classe échappent à d’autres appréhensions et réalités éducatives plus complexes et partagées. L’État se donne une obligation sur le temps scolaire, pas au-delà.

Si le projet éducatif territorial (PEDT) était obligatoire, si son élaboration supposait un processus largement concerté au local, les questions multiples d’incidences sur la vie locale hors l’École seraient obligatoirement perçues. Le PEDT ce n’est pas la mainmise du maire sur l’Éducation. Des dispositions sont à prendre pour que cela ne se produise pas. Le PEDT c’est une condition première pour reconnaître que l’éducation est partagée et que la classe est un lieu de vie qui ne se résume pas aux apprentissages liés aux programmes scolaires.

Si dans la réforme le caractère interministériel (Éducation, Jeunesse et Sports, Culture) avait été porté au plan gouvernemental, on aurait un autre éclairage, une autre ambition. Le poids du maire aurait été tout autre. La place des associations, des parents, des acteurs de la vie de la cité aussi. C’est probablement vers cette évolution du cadre législatif qu’il faut aller pour que philosophiquement, pédagogiquement et concrètement on appréhende l’enfant dans sa globalité. Car aujourd’hui, il est sidérant de constater qu’on ne fait que « construire » en matière de rythmes éducatifs des espaces législatifs différents : temps scolaire, temps périscolaire, temps extrascolaire. Il faut revenir à l’ambition de la loi. Pour cela il faut probablement réformer la loi elle-même

Cela doit se faire de manière pragmatique autant que volontariste. Pragmatique en évaluant de manière contradictoire, à tous les niveaux (dans chaque école concernée, au niveau de chaque commune ou intercommunalité, puis au niveau de chaque département avec la DSDEN et la préfecture via les services DDCS/PP) ce qui s’est passé sur un an ou deux ans. Volontariste en généralisant les PEDT, en les rendant donc « obligatoires » pour générer des parcours éducatifs et responsabiliser tous les acteurs, pour quantifier aussi les moyens de l’action publique et les maîtriser.

Prévoir, si ce n’est dans la loi, du moins dans des textes ayant force d’opposition légale des qualifications nécessaires assorties de moyens de formation pour les professionnels ou bénévoles, intervenants auprès des enfants.

Ce travail, s’il est soigneux et pragmatique, devrait faire apparaître les conflits d’usages à prévoir et dépasser sur les équipements sportifs et culturels, sur la configuration et la conception des locaux scolaires, sur les aspects statutaires des personnels territoriaux, les questions délicates liées à la formation continue des animateurs, les transports scolaires à ajuster, les incidences pour la vie communale entre les écoles publiques et privées qui sont sur le régime de droit commun et les écoles privées ayant opté pour une autre organisation du temps scolaire avec son caractère propre…

Préconisation : faire évoluer la loi et ses déclinaisons de manière pragmatique et philosophique en affirmant l’inter ministérialité. Confier à une mission d’inspection générale MEN/MVFJS et un groupe de travail national ouvert aux parents, associations et professionnels un travail de réflexion et de compilations d’évaluations à systématiser et organiser à chaque échelon départemental (via les groupes d’appui Préfecture/DSDEN) pour alimenter les propositions de modifications.

Focus sur un outil à systématiser et faire évoluer : le PEDT

Bien que recommandé, le PEDT demeure facultatif pour des raisons évoquées plus avant. Sa mise en place relève de la volonté des collectivités territoriales. Les élus locaux en charge des questions scolaires et de jeunesses, des sports et de la culture ont une responsabilité première dans le fait de susciter ou non la dynamique indispensable à la définition partenariale d’un PEDT. Outre les élus, les enseignants ont une représentation dans l’élaboration des PEDT. Si on veut réellement rechercher et créer une mise en mouvement, cette dernière ne doit pas se limiter aux directions d’écoles. Les représentants des DDCS/PP (inspection, CEPJ, CAS) ainsi que les associations d’éducation populaire et les représentants des parents sont d’autres acteurs incontournables avec les caisses d’allocations familiales et la mutualité sociale agricole en milieu rural. Cette dernière, bien que n’ayant pas de crédits identifiés pour participer des rythmes éducatifs, intervient parfois de manière significative.

Le PEDT a vocation première à définir les temps d’activités périscolaires tout en prenant en compte le projet d’école. Le cœur de cible du PEDT est celui des activités proposées immédiatement avant ou après la classe et pendant la pause méridienne. Si ce PEDT a un peu d’ambition et veut prendre en compte plus globalement le temps de l’enfant il doit être élargi aux activités extrascolaires (CLSH, séjours de vacances) sur l’année scolaire. Limiter le PEDT au seul périscolaire c’est passer à côté de l’enjeu des parcours éducatifs cohérents. Ces parcours éducatifs doivent impérativement prendre en compte l’expression des « besoins » ou « attentes » des acteurs de l’éducation nationale mais aussi des parents et des opérateurs et professionnels de l’animation. Les ressources doivent clairement être identifiées et les moyens garantis. Nous sommes donc dans l’obligation d’un exercice d’élaboration complexe supposant des mécanismes de veille et d’ajustements permanents et respectueux des acteurs comme des publics.

Pour chaque PEDT il y a lieu de pérenniser sur la durée prévue (trois ans maximum) un groupe de pilotage animé par un coordinateur agréé par le plus grand nombre. Ce groupe de pilotage doit également prévoir les outils d’évaluation du PEDT et les étapes de sa mise en œuvre, surtout si le PEDT est pluriannuel. Il y a lieu de ne pas confondre la fonction d’animateur responsable de site avec celle de coordinateur du groupe de pilotage. Car les sujétions institutionnelles ne sont pas les mêmes et chaque partenaire doit pouvoir conserver sa spécificité d’expression.

En théorie, il existe dans chaque département un groupe d’appui associant la préfecture et l’éducation nationale, compétent pour aider à l’élaboration des PEDT. Ce groupe d’appui doit être sollicité et il serait légitime qu’il soit co-piloté systématiquement par la DSDEN et la DDCS/PP. Dans l’immense majorité des départements, on vérifie une gouvernance confiée sans partage aux DSDEN. Les DDCS/PP sont portion congrue, voire oubliées dans la concertation et surtout l’expertise. Il existe certes des départements où les rapports sont plus harmonieux et où les préfets accompagnent moins systématiquement des observations ou avis sans partage possible des DSDEN. Il convient de rééquilibrer les compétences car un rôle de « chef de file » a pour devoir d’assurer cette pluralité de contributions d’acteurs. Pour mener à bien cette mission, pour que l’approche éducative soit garantie et efficiente sur ses aspects pédagogiques, les personnels techniques et pédagogiques des DDCS/PP doivent pouvoir bénéficier de larges délégations d’investissement pour accompagner les acteurs locaux dans l’élaboration des PEDT. Il y a là un enjeu certain et des savoir-faire à partager et construire.

Le PEDT est trop souvent appréhendé comme un passage obligé pour pouvoir bénéficier du financement de l’État, des fonds de la CAF ou des dérogations « jeunesse et sports » sur les taux d’encadrement. Cette entrée n’est pas la bonne mais c’est souvent celle des municipalités, comptables des deniers publics, qui sacrifient à un usage administratif, oubliant en route le sens de la démarche.

Les « assouplissements », liés à une réglementation ACM sont extrêmement préoccupants à bien des égards. La réglementation extrascolaire des ACM a une fonction bien précise – limitée dans le temps – et son extension au périscolaire est principalement motivée par les coûts salariaux mineurs qu’elle permet. Les assouplissements ne servent pas la garantie pédagogique, la qualité d’encadrement. Ils se situent dans l’aspect financier, n’intégrant aucunement la qualité des actions, l’exercice des métiers de l’animation, des impératifs d’encadrement pour une meilleure sécurisation des pratiques. Il est important de limiter, dans leur nombre et leur durée, de tels aménagements. La déclaration huit jours avant ouverture, pour les accueils périscolaires, réduit à néant toute possibilité de conseil ou contrôle a priori et rendra caduque, par exemple, le régime d’autorisation après avis de la PMI pour l’accueil d’enfants de moins de 6 ans. Ces mesures sont contradictoires avec l’ambition éducative affichée par les ministères.

Une limite du PEDT se doit d’être levée : il ne prend en compte que la population des 3-11 ans. Les PEL avaient une surface plus large (élargie aux 18 ans). Il y a donc lieu d’intégrer les PEDT (ou à tout le moins articuler) aux PEL là où ils existent toujours par la volonté des collectivités.

L’ouverture du PEDT aux autres secteurs éducatifs suppose que soient pris en compte à côté du projet d’école, les autres « projets » éducatifs des collectivités territoriales, mais aussi ceux des associations potentiellement partenaires, ainsi qu’au plus près du terrain le projet pédagogique des ACM. Promouvoir des activités périscolaires et extrascolaires de qualité s’inscrivant dans un « projet » partagé, concourant à une éducation globale de l’enfant, nécessite de garantir une qualification suffisante des personnes qui vont y intervenir directement mais aussi celle des cadres qui vont avoir en charge la coordination de ces activités. Nous y reviendrons en fin de contribution.

Préconisation : faire évoluer au plan local le PEDT en élargissant sa vision aux bassins de vie des jeunes mineurs (-18 ans) pour servir les cohérences éducatives et de formation. Tout en respectant le cahier des charges des PEDT doivent rechercher une approche intercommunale et les mises en commun respectant les projets d’écoles, intégrant les continuités périscolaire et extrascolaire, articulées à un projet éducatif local intercommunal qui élargit le cadre strict du PEDT par la prise en compte de l’ensemble des jeunes (apprentis, lycéens…).sur un même territoire.

Focus sur les temps d’activités périscolaires (dits TAP) : viser la qualité inscrite dans un parcours éducatif

Il y a une préoccupation de service public évidente à intégrer l’extrascolaire dans le PEDT. La question des départs en vacances – surtout dans les quartiers frappés par l’exclusion économique et sociale – se doit d’être intégrée dans la réflexion. Le fait d’intégrer la dimension extrascolaire suppose cependant de le faire par un tout autre prisme que celui de la législation, et de la recherche quelque peu obsédante de faire sauter les verrous des taux d’encadrement. Si les statuts juridiques des temps péri et extrascolaires doivent être interrogés ce n’est pas par le problème des taux d’encadrement et de leur coût mais par la notion d’investissement éducatif.

La mission éducative du service public ne s’arrête pas aux frontières de l’École. Le temps scolaire ne représente que 20% du temps de vie d’un enfant de 5 à 12 ans. Et seulement 20% des 5-12 ans fréquent un centre de loisirs dans l’année. Moins de 10% vont en « colos » ou en mini camps. Un volume non négligeable de jeunes des cités urbaines se retrouve exposé à d’autres formes, préoccupantes, de socialisation et d’éducation souvent claniques. Le PEDT devrait avoir pour mission de se préoccuper de l’ensemble des dispositifs éducatifs en dégageant des priorités pour des activités de qualité auprès des publics jeunes les plus en difficultés. Ce sont eux qui ont le capital culturel le plus faible. Ce sont eux qui sont le plus exposés aux violences de l’exclusion et aux propagandes de toutes sortes. Une approche ambitieuse des rythmes ne règlera pas tout. Mais il faut travailler la question de la globalité éducative, d’autant que les inégalités se creusent bien plus en dehors de l’École qu’en son sein.

Il faut reprendre, au sein du PEDT une réflexion sur le sens et les contenus de ces temps éducatifs à la fois complémentaires et distincts du temps scolaire. Ici ce pourra être pour certains enfants de l’accompagnement, pour d’autres ce seront des activités répondant à des attentes exprimées et concertées, sur des cycles cohérents n’entrant pas en conflits, ni avec les associations ou clubs sportifs, ni avec l’École. On le voit, un certain savoir-faire s’impose, qui ne se décrète pas mais se construit en partenariats.

Cette approche est d’autant plus délicate que les financements communaux ne sont pas extensibles. Ils sont soumis aux contraintes budgétaires pour résorber les déficits dits publics. Or les temps d’activités périscolaires vont drainer des moyens financiers et humains qui risquent d’être détournés, par effets de vases communicants, des associations, centres de loisirs ou clubs sportifs. Ce serait là une erreur fatale à toute dynamique éducative.

Tout l’enjeu consiste à passer des rythmes scolaires aux temps et parcours éducatifs concertés.

Les initiatives du ministère de la jeunesse et des sports ont été nombreuses depuis ces trente dernières années. Toutes ont été exposées cependant à la volonté des collectivités d’y participer ou non. Le caractère facultatif des projets éducatifs locaux, ses financements aléatoires, avaient un caractère expérimental. La place périscolaire au sein du PEDT permet une autre approche où, sans remettre en cause le temps scolaire, mais sans focaliser sur lui, on élargit la notion d’éducation et ses prolongements tout au long de la vie en faisant autre chose que de l’occupationnel, de la garderie ou de la consommation d’activités. Le temps périscolaire doit être conçu comme une ouverture sur le champ socioéducatif extrascolaire, sur le monde associatif culturel et sportif.

Cette fonction d’interface entre l’École et les centres de loisirs est une clé précieuse pour articuler, en lien avec les enseignants et les parents des ateliers périscolaires, des sorties de découverte en relation directe ou indirecte avec les programmes scolaires ou au contraire nés de l’initiative des animateurs en interaction avec les enseignants. Les personnels territoriaux (ATSEM et cantines) seraient aussi à associer à l’élaboration de ce qui donne du sens et du concret au parcours éducatif : repas à thèmes en lien avec la découverte de cultures du quartier, d’ouverture aux producteurs locaux en lien avec les circuits courts…

Il va de soi que pour « réussir » à élaborer un parcours éducatif d’intérêt, il faut sortir du cadre d’une semaine d’école construite antérieurement sur 8 demi-journées, devenues désormais 9 demi-journées. Pour un enfant, comme pour un adulte, les journées font 24 heures. L’enfant dort et il est en éveil. Sa vie active ne se limite pas aux 24 heures de cours hebdomadaires à l’école, même si ces dernières sont fondamentales dans sa construction et pour son devenir. Pour nombre d’enfants, à côté des 24 heures de cours hebdomadaires il existe désormais de 10 à 20 heures hebdomadaires de temps éducatifs socialisés, sans compter les CLSH du mercredi pour certains. La question de la fatigue n’est en rien réglée par une nouvelle répartition des heures de cours et de celles consacrées à d’autres temps éducatifs sur la semaine. La fatigue est affaire principalement de repos familiaux mal assurés et d’activités fragmentées recouvrant un intérêt insuffisant pour les enfants. Quand on s’ennuie, ou qu’on est en échec, on se fatigue plus vite que lorsqu’on prend intérêt.

Le fait de regrouper sur une demi-journée les 3 heures de dites de « TAP » n’a pas d’intérêt en soi, sauf pour les animateurs qui voient regrouper sur une demi-journée leur temps de travail. Mais pour l’enfant où est le gain dans un parcours éducatif ?

Les limites de la réforme sont indéniablement liées au fait qu’on a voulu agir seulement sur le temps scolaire en le redéployant sans pouvoir envisager l’ensemble de la vie de l’enfant, donc de l’éducation partagée avec les parents et les collectivités, avec l’aide des associations laïques et des clubs. Si le temps scolaire n’est pas réformé, si les temps périscolaire ou extrascolaire demeurent étanches aux interactions, nous demeurerons dans le cosmétique. Il faut sortir des prismes scolaires, extrascolaires, périscolaires. La logique de continuité à rechercher ne signifie nullement reproduire l’École dans les autres temps éducatifs en les instrumentant. Il est impératif de les considérer comme des temps sociaux relevant de leur propre logique éducative, pleinement respectable.

L’extra comme le périscolaire ne sont pas des moments de consumérisme éducatif, ou d’attractions de parcs de loisirs. Les activités éducatives hors école ont à éviter l’écueil de la consommation et du marchandising éducatif. Là encore, le parcours éducatif concerté doit border ce risque réel.

Les activités éducatives devraient au maximum rechercher un fonctionnement ordinaire par ateliers structurés, en évitant les activités de consommation. Le zapping est un phénomène d’importance chez les jeunes. Il doit être envisagé et jugulé. L’enfant doit pouvoir s’engager pour des durées minimales à définir dans des ateliers animés par des animateurs compétents dans le domaine. Les moments de pause, où rien n’est proposé (activité « bulle » dit-on dans certaines communes au nom du droit de ne rien faire), doivent faire l’objet d’une analyse sérieuse par les équipes d’animation. Sur le contenu des activités, mais aussi sur la conception même des activités éducatives, un travail indispensable doit être mené avec les parents qui, eux aussi, doivent parfois bénéficier d’éclairages pour accepter et comprendre le sens de certaines démarches et proposition où le ludique a une vertu éducative.

Un parcours éducatif concerté pourra prévoir (et éviter) les conflits d’usage et les contre effets sur l’extrascolaire

Depuis la publication de l’arrêté de novembre 2014 redéfinissant l’accueil périscolaire, les temps du mercredi après-midi sont devenus temps périscolaires dans les communes ayant opté pour la classe le mercredi matin. Outre le fait que les collectivités ne se sentent pas toujours obligées de proposer des activités éducatives pendant ce nouveau temps périscolaire, ce n’est pas toujours le même opérateur qui gère le périscolaire et l’ACM. On peut alors observer la disparition pure et simple des ACM du mercredi dans un certain nombre de communes et le transfert d’employeur de l’extrascolaire vers le périscolaire est loin d’être garanti. Dans bien des cas, on observe des problèmes liés aux taux d’encadrement dégradé qui interfèrent sur le projet éducatif global du CLSH revu à la baisse, sans concertation possible avec les autres acteurs éducatifs !

Une autre dimension est à étudier. Dans plusieurs villes, des écoles privées ont d’ores et déjà fait savoir qu’elles n’intégreraient pas le dispositif des rythmes scolaires. Plusieurs de ces enfants fréquentent cependant les CLSH. Comment seront-ils accueillis ? Pourront-ils être accueillis ? On renvoie là, en fonction des moyens locaux, les décisions aux communes dans un domaine qui a toujours été fragile et coûteux financièrement. La rupture d’égalité d’accès aux services publics est ici loin d’être résorbée.

L’accès aux équipements sportifs est également problématique. Il est aussi tributaire des nouveaux horaires et des changements de plannings. On a le même phénomène à prendre en compte pour des médiathèques, des salles de danse ou de théâtre, d’arts plastiques… La question des rythmes suppose d’appréhender en amont les répercussions sur la vie de la cité, des clubs ou des associations. C’est manifestement une complexité qui a été ignorée. C’est à chaud, le plus souvent, que se traitent des conflits d’usages, là où une concertation aurait pu plus calmement mettre les choses à plat.

Préconisation : Les activités périscolaires doivent décliner un parcours éducatif concerté en évitant les effets de « garderie » ou de consommation par empilement d’activités de circonstance. Tous les projets éducatifs d’un même territoire doivent pouvoir être articulés entre eux. Ils supposent des lieux spécifiques d’élaboration (pour respecter les spécificités légitimes du projet d’école, ceux des ACM et associations, ceux des collectivités ou de l’intercommunalité) Mais le respect de la spécificité induit l’obligation d’échanges de terrains, temps de rencontres animateurs/enseignants (deux fois par trimestre). Par ailleurs, un comité de pilotage doit être mis en place (réuni trois ou quatre fois par an) comprenant des élus, la DSDEN, la DDCS/PP, les parents d’élèves, des travailleurs médico-sociaux, des représentants des animateurs et des enseignants, ainsi que les associations complémentaires à l’école et le mouvement sportif, voire d’autres partenaires du territoire intéressés au parcours éducatif.

Travailler la continuité péri et extrascolaire suppose la continuité de l’emploi

Tant pour la familiarisation des enfants que pour l’harmonisation des liens entre le temps scolaire et les autres temps éducatifs il apparaît souhaitable de stabiliser les équipes d’animation. Le fait que les animateurs du centre de loisirs soient les mêmes que ceux des autres temps éducatifs à côté de l’école (temps éducatif périscolaire, accueil et garderies) offre plusieurs atouts : resserrer les liens entre les centres de loisirs et les enseignants et ATSEM, favoriser la confiance et les relations avec les familles, mieux ancrer ces temps éducatifs dans le milieu local en dynamique avec les clubs sportifs, les écoles de musique, les ateliers d’expression théâtrale et artistiques…

Le recrutement d’animateurs compétents dans les domaines d’activité proposés n’est pas un mince souci pour les communes. Chacune trouve des expédients plus ou moins conflictuels parfois avec les personnels territoriaux à qui on impose de nouveaux horaires, de nouvelles missions qui passent mal. Lorsque la gestion des activités périscolaires est confiée à des associations ou opérateurs publics ad hoc, qui ont l’expérience pour eux, cela se passe mieux. On vérifie ainsi que les animateurs de centres de loisirs et de vacances sont mieux dotés pour la relation éducative que des postulants sans grande formation pédagogique, car la maîtrise d’une technique n’est pas gage de pédagogie induite. Lorsque les animateurs périscolaires sont aussi ceux des centres de loisirs et accueils de vacances on obtient une « valeur ajoutée » pour mieux servir les cohérences et orientations du parcours éducatif évoqué plus haut. Mais cela ne va pas sans difficultés pour autant.

Le morcellement des heures consacrées au périscolaire après redéploiement du temps scolaire conduit la majeure partie des communes qui n’ont pas de service d’accueil post scolaire à recruter des animateurs souvent autour du SMIC horaire. Les contrats sont souvent très limités (dans le volume d’heures et dans le temps). Ils résultent non pas d’un projet éducatif construit en concertation mais d’aménagements horaires entre les écoles directement concernées pour élargir l’amplitude du contrat de travail. Tel groupe scolaire placera ses heures de périscolaire sur la coupure du midi et fera plutôt de la garderie, tandis qu’un autre réservera ses heures pour un même animateur vers un créneau de 15H à 16H pour « compléter » le service. Les problèmes de stabilisation des intervenants sont fréquents. Beaucoup sont précaires trouvant d’autres emplois plus conséquents en termes horaires, ou se réorientant. Cette fragilisation de l’emploi contrarie fortement la qualité pédagogique et son suivi, ainsi que les conditions de la concertation éducative. Or c’est la stabilité qui favorise la reconnaissance des spécificités et complémentarités.

C’est la stabilité qui favorisera la concertation avec les enseignants. Cette concertation doit systématiquement être organisée et ceci pour plusieurs raisons. Pour être sérieuse, elle suppose d’être inscrite dans le temps avec des échanges approfondis où chacun doit être reconnu dans ses prérogatives. Une raison majeure tient à ce que les activités périscolaires ne doivent pas entrer en conflit avec les apprentissages scolaires. Ces activités ne doivent pas non plus faire « sortir de l’École » des pédagogies ou domaines d’éveils liés aux apprentissages. Cette dimension est d’importance pour ne pas prêter le flanc aux critiques à prendre en considération pour que l’École ne se résume pas au « lire/écrire/compter ». Si cet aspect est travaillé sérieusement on lèvera un point d’obstacle majeur chez les enseignants en les rassurant.

Il est assez facile de concevoir que cet ancrage dans le temps est indispensable pour favoriser de nouvelles attitudes et nouvelles relations avec les familles et les enfants. Il suppose aussi de travailler autrement et de prévoir des temps de concertation professionnels institutionnalisés en phase avec le renouvellement des pratiques enseignantes, y compris en associant les syndicats volontaires pour fluidifier et faciliter les relations.

La grande majorité des acteurs de l’éducation interroge les plages de 45 minutes des TAP. Certaines collectivités les ont directement intégrées dans le temps du centre de loisirs périscolaire puisque c’est celui-ci qui prolonge les 45 minutes. De fait il faut se poser sérieusement la question du statut à part et de l’incongruité pédagogique de ces 45 minutes insuffisantes pour mener une activité correctement. Certaines collectivités ont même refusé d’élaborer un PEDT pour être plus libre de conserver un PEL en état de marche combinant centres de loisirs et périscolaire : les « assouplissements » du taux d’encadrement et de baisse de qualification des animateurs auraient déqualifié leur projet !

D’autres communes font l’effort non pas d’être sur la base d’un animateur pour 18 enfants mais de conserver une base de 10 à 12 enfants pour plus de qualité et de proximité pédagogique. Un véritable chantier doit s’ouvrir sur la spécificité du temps périscolaire et sa fonction éducative si l’ambition de la réforme est respectée. Ce chantier est aujourd’hui mal traité et à l’état de terrain vague. Si nous sommes sur une refondation des temps éducatifs, il faut revoir la législation sur des bases plus convaincantes liées aux compétences publiques des différents niveaux de collectivités et de l’Etat et aux moyens à dégager. La cohabitation sur un même lieu, d’activités périscolaires relevant de deux cadres juridiques différents, s’adressant à des populations d’enfants distinctes d’une même école ou d’une même commune n’est pas seulement incongrue : elle n’est pas compréhensible au plan pédagogique, peu évidente à expliquer aux parents. Elle renvoie aussi à une discrimination prévisible en termes de coûts pour les familles.

Pour autant une question restera entière : la qualification et la compétence technique et pédagogique des intervenants périscolaires doit être pleinement garantie. C’était là un engagement du gouvernement. S’il n’est pas respecté, il peut vider définitivement toute crédibilité à la réforme des rythmes scolaires.

Il convient dès à présent de constituer un vivier de candidats en offrant des perspectives de combinaisons horaires à penser de manière complexe pour intégrer la notion non consumériste et non occupationnelle des activités périscolaires, des conditions d’emplois décentes et des horaires suffisants pour une certaine stabilité, les temps d’échanges et de concertation indispensables au plan local. Face à des enseignants formés, il faut des professionnels en mesure de dialoguer, d’argumenter et contribuer en enrichissant les complémentarités éducatives. Ce n’est pas assez le cas aujourd’hui et cela disqualifie la continuité éducative.

Préconisation : la généralisation de la semaine sur 9 demi-journées à la rentrée 2014 a généré une demande importante d’intervenants. Les mouvements de jeunesse et d’éducation populaire, le mouvement sportif et les clubs et comités constituent sans nul doute des recours et des expertises à solliciter. Il faut aussi penser la mutualisation et la prise en charge de l’emploi et des déplacements pour encourager la stabilisation professionnelle, ceci en tenant compte du cadre législatif actuel et indépendamment des évolutions qui seront à lui apporter. Parallèlement, les CREPS, le mouvement sportif, les instituts de formation des mouvements de jeunesse doivent se préoccuper de dégager des moyens conséquents et urgents pour assurer la formation des cohortes d’animateurs à recruter sur des bases de qualité pour que la sécurité des enfants soit assurée et la réforme crédibilisée.

Une problématique à traiter : l’emploi qualifié et stabilisé

L’efficience de l’action éducative prolongée dans et hors de l’École tient largement au fait qu’il faut savoir créer les conditions d’une dynamique tenant aux acteurs de terrains, soutenue par les institutions. Les équipes d’enseignants et d’animation, avec les personnels territoriaux, sont au cœur de cette mission de service public au service des enfants et de leurs familles.

Les harmonisations européennes en cours – quoiqu’on en pense – conduisent à rapprocher, en tendance de fond, la réduction du temps scolaire sur la semaine et sa plus grande répartition dans l’année. Dans deux à trois décennies, les journées de classe en primaire devraient tourner autour de 4H/4H30. Si cette tendance se confirme – et rien ne semble la contredire dans les signaux actuels – on s’oriente donc vers un élargissement du périscolaire, ou de nouveaux temps éducatifs organisés pour reprendre une autre terminologie non dépendante de l’éducation. Dans cette perspective, l’emploi d’intervenants relevant du champ de l’animation ne peut qu’augmenter. Il est de la responsabilité de l’Etat de prévoir cette mutation déjà en cours.

L’action périscolaire est différente de celle de l’extrascolaire en ce qu’elle se passe souvent principalement dans les locaux scolaires (qu’il faut urgemment adapter). Les animateurs doivent nécessairement prendre directement en considération le projet d’école, avec une proximité plus forte aux enseignants et aux parents qu’on ne l’a dans l’extrascolaire. Les combinaisons avec les personnels territoriaux, les éducateurs territoriaux APS, les animateurs d’activités artistiques obligent à la concertation et l’élaboration collective. Tout ceci suppose et appelle des compétences et relève d’un métier en définition.

On ne peut se satisfaire du BAFA qui relève de l’animation volontaire et n’est pas un diplôme professionnel. Sans mésestimer le BAFA et les animateurs qui le détiennent, il convient cependant de réaliser que la législation des ACM est un pis-aller qui ne se situe pas à la hauteur des enjeux. Recruter des étudiants qui cherchent un petit boulot n’est certes pas impossible, mais ce n’est pas non plus le siège de la réponse à un gisement d’emplois qui se profile. On ne peut continuer à proposer de 3 à 15 heures de travail hebdomadaires sans que cela ne nuise à la qualité du recrutement. La formation n’est même pas possible bien souvent car les remplacements ne peuvent être prévus ni supportés financièrement. Pourtant la formation des animateurs est un paramètre déterminant pour la qualité des accueils collectifs. Former est fondamental pour gagner la confiance des enseignants et des parents et pour réussir la réforme.

L’enjeu est bien de construire une nouvelle approche des métiers de l’animation et des processus de professionnalisation des animateurs en référence à l’éducation populaire. Cet espace est différent de celui de l’animation volontaire qui doit être préservé et conforté par un statut de volontaire renégocié et concerté avec tous les acteurs professionnels de la branche. C’est une autre histoire.

Les enseignants sont désormais recrutés au niveau du master, pour des raisons liées aux ajustements européens conditionnant l’accès à des emplois d’éducation. Des approches catégorielles se sont engouffrées dans cette mesure qui a des effets pervers sur la sélection sociale car les jeunes des milieux populaires accèdent rarement à bac + 5. Dans l’animation, le recrutement au master est exceptionnel. Les emplois sont le plus souvent de niveau IV, voire III. Le propos n’est pas ici d’établir une corrélation entre les enseignants et les animateurs en réclamant un recrutement de ces derniers sur la base de diplômes universitaires. Il faudrait au demeurant prouver et vérifier que la qualité technique et pédagogique des intervenants dépend du niveau de formation universitaire. Mais considérer que la formation idoine d’un animateur d’activités éducatives inscrites dans ce que requiert un PEDT, soit au niveau d’un titre non professionnel (BAFA, BAFD)relève du paradoxe et d’un certain défi de conception et de considération à l’égard d’un emploi qui se veut tout de même qualifié pour assurer la qualité !

Nous sommes en plein paradoxe. Alors qu’on élève partout le niveau de recrutement des acteurs de l’éducation formelle, cette préoccupation ne semble pas valoir pour l’éducation non formelle, de fait perçue comme subalterne, ou adjuvant éducatif. Pourtant les interventions sont complexifiées et nécessitent un savoir qui combine le technique, le pédagogique, la gestion des groupes et des conflits, des formes d’organisation complexe. On ne peut laisser se développer sans dommages des formes d’emplois précarisés et sous qualifiés sur des morceaux de temps sociaux parcellisés à l’extrême (le temps périscolaire lié aux rythmes et l’autre, périscolaire aussi, lié à l’accueil et la pose méridienne sont un modèle d’incongruité).

Mais l’aspect le plus étrange – pour ne pas être trop abrupt – est bien celui de la référence au BAFA et BAFD pour encadrer des emplois permanents liés aux activités périscolaires et PEDT alors que ces diplômes sont formellement et règlementairement non professionnels, réservés à des activités temporaires et occasionnelles en accueil collectif de mineurs !

La loi actuellement s’est arrêtée en chemin. Il faut lui permettre d’aller jusqu’au bout et de prévoir tout autant un principe d’accès régulé aux activités périscolaires et PEDT sur tout le territoire et un droit à la formation permettant de construire une vraie filière professionnelle. Ceci non pas dans l’intérêt unique des salariés mais pour l’intérêt de tous les enfants et la réussite d’une ambition éducative louable.

Il y a lieu de ne pas avoir de tabous au vu de l’urgence de la situation. Il faut revisiter sérieusement le BPJEPS actuel pour aboutir à une formation efficiente. Ce qui n’est pas toujours le cas. La disparité des formations est grande d’une région à l’autre, d’un institut à l’autre. En l’état, le BJEPS apparaît le niveau de formation adapté pour professionnaliser et fluidifier les parcours professionnels.

Mais il faut aussi couvrir les besoins en face à face pédagogique en mobilisant – transitoirement et de manière conditionnelle – la branche professionnelle en envisageant le recours aux CQP, associés à des engagements tenus de formations, comme tremplins (transitoires répétons-le) aux qualifications.

Préconisation : construire une filière professionnelle de l’animation adaptée au périscolaire pour faire face aux enjeux. Adapter le BPJEPS et ouvrir des droits à la formation, des moyens publics exceptionnels et urgents. Prévoir des dispositifs transitoires de professionnalisation en réservant BAFA et BAFD à l’animation volontaire occasionnelle. Intégrer dans la formation des enseignants et des ESPE un module spécifique sur les parcours éducatifs et l’éducation tout au long de la vie, l’ingénierie éducative hors cursus scolaire. Proposer des formations communes aux enseignants et animateurs professionnalisés sur des thématiques partagées.

Trois pistes sont à travailler avec attention en reprise des analyses et préconisations

La stabilisation des équipes d’animation est fondamentale. Les équipes enseignantes du premier degré bénéficient d’un cadre statutaire et sont en règle générale titulaires de leur poste. Les équipes d’animation, sans que le statut public soit nécessaire au regard de la mission, doivent avoir eux aussi un cadre d’emploi stabilisé et reconnu. Il en va de l’efficacité de la complémentarité au plus proche des enfants. Cette stabilisation ne doit pas seulement concerner les « référents » ou coordinateurs, mais bien les animateurs directs. La déperdition des animateurs qui se détournent du périscolaire en raison des horaires trop limités, donc d’un salaire en proportion, est un lourd handicap.

Des formations communes enseignants/animateurs doivent être proposées sur les thématiques de l’éducation formelle et non formelle, de la politique de la ville ou autres thèmes techniques et pédagogiques (numérique et éducation, activités d’expression, activités physiques et sportives…). Il s’agit ici d’avoir la même démarche que pour la mise en œuvre du service public régional d’orientation où la formation conjointe est un outil indispensable pour la mise en réseaux et la connaissance réciproque des acteurs. Les services « jeunesse sports » et les DSDEN et rectorats doivent consacrer des moyens sérieux pour travailler, via les formations, les conditions de la cohérence et d’une culture commune.

Des temps formels de concertation doivent être dégagés entre enseignants et animateurs pour nourrir des échanges, ajuster les pratiques, affiner les problématiques, traiter les conflits… Cela ne doit pas dépendre du bon vouloir des acteurs de terrain. Il faut que ce temps soit prévu de chaque côté et intégré dans le temps de service.

Il y a lieu, si la volonté est vraiment de refonder l’École, d’intégrer dans la formation initiale des enseignants au sein des ESPE, des modules spécifiques à la connaissance des mouvements d’éducation populaire, des politiques publiques éducatives hors du champ scolaire. C’est aussi comme cela qu’on fera s’ouvrir l’École sans en dénaturer sa fonction républicaine.

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Mieux investir les conseils d’école

En guise d’épilogue provisoire, le conseil national d’EPA estime que les évènements tragiques de janvier 2015 imposent d’autant plus une cohérence et aune continuité éducative concertée respectant les spécificités des temps scolaires et périscolaires, mais assurant une concertation et une évaluation régulière du travail éducatif de terrain. Il est apparu évident que les conseils d’école étaient lieux appropriés à cette concertation directe des acteurs.

Les conseils d’école peuvent, sur des ordres du jour ciblés au moins deux fois par an, devenir des instances efficaces associant des professionnels de métiers différents (enseignants, animateurs) confrontés aux mêmes publics, aux mêmes contingences locales. La présence des parents d’une part, des représentants de la municipalité ou de l’intercommunalité d’autre part, et d’autres acteurs du travail social est assurée dans ou à rechercher dans ces conseils d’école sans avoir à créer d’autre lieu d’échange. Au niveau des pays ou de découpages urbains dans les départements il faut aussi donner plus de responsabilité aux services éducatifs « jeunesse et sports » de l’Etat.

Une question essentielle pour la cohérence doit aussi être examinée. Les fonds de l’Etat concernent les temps périscolaires, aussi devraient-ils être gérés en chef de file par les réseaux jeunesse et sport qui devraient de fait traiter plus au cœur les questions et projets éducatifs. Les enjeux autour des rythmes éducatifs relèvent d’un véritable projet de société qui suppose un investissement bien plus important des personnels « jeunesse et sport ». Il faut impérativement changer de braquet pour gagner en crédibilité en allant encore plus loin que ce qui a pu être fait sur les contrats éducatifs locaux.

Cette contribution a été adoptée au conseil national EPA en janvier 2015,
elle est destinée à évoluer en fonction des améliorations qui pourront être apportées