Traverses Unitaires n°65

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EDITO : « La vie. Bien agiter avant l’usage. »

Miguel de Unamuno – Frère Don Juan

Contemporain d’Unamuno dans les turbulences d’une Espagne cherchant sa République, Antonio Machado invitait déjà l’humanité marchante « à cheminer sans chemin » :

Caminante, no hay camino

se hace camino al andar

Marcheur, il n’y a pas de chemin,

le chemin se construit en marchant.

Marcheur, ce sont tes traces

ce chemin, et rien de plus ;

marcheur, il n’y a pas de chemin,

le chemin se construit en marchant.

En marchant se construit le chemin,

et en regardant en arrière

on voit la sente que jamais

on ne foulera à nouveau.

Marcheur, il n’y a pas de chemin,

seulement des sillages sur la mer.

(Traduction de José Parets-Llorca )

Toutes proportions gardées, c’est plutôt ce qui attend notre syndicat qui a la volonté de se refonder et s’interroge sur son devenir. C’est aussi le sort des personnels de feu « jeunesse » et « sports », voués aux directions départementales antichambres de préfectures, destinés aux directions régionales, pilotes désincarnés de cohésion dite sociale, promis aux établissements publics se privatisant pour mieux se soumettre à la concurrence libre et non faussée. Que cette concurrence soit organisée pour et par nos « partenaires » le plus souvent ne change rien à l’affaire.

Notre congrès 2009 a débattu de tout cela, sans marasme excessif, avec la volonté de poser un regard lucide sur les régressions sociales en cours dans une société qui pourtant, même en crise, produit toujours de la « richesse ». Est-il paradoxal d’avoir un instinct de vie qui pousse à repartir vers la surface lorsqu’on touche le fond ? «Le paradoxe est le moyen le plus tranchant et le plus efficace de transmettre la vérité aux endormis et aux distraits» nous dit encore Unamuno (Essais). Nous verrons bien ce que demain nous réserve. Notre sort dépendra aussi de nos capacités à agir sur notre environnement sans être dupe des limites actuelles du syndicalisme à rechercher l’unité dans l’action et par l’action. De la même manière qu’il y a à reconstruire des outils politiques, il y a nécessité de reconstruire des outils syndicaux. L’éclatement de l’opposition politique en France place les syndicats en première ligne de résistance face au gouvernement et au patronat. La crise actuelle doit trouver son dépassement dans une reconstruction et une recomposition politique, syndicale et idéologique. Nous ne mettrons pas un terme aux logiques mortifères pour l’humanité, comme pour la planète, en utilisant les modes de pensée et les outils que l’économie libérale nous lègue. Il nous faut travailler un paradoxe : déconstruire les chimères d’un syndicalisme qui ne verrait qu’au ras de son pare-brise catégoriel en oubliant que c’est aussi à partir de ces chimères qu’il s’est lui-même forgé.

Didier Hude