Attribution des éléménts accessoires de rémunération 2014

Nantes, le 8 juillet 2014

Didier HUDE
Représentant la FSU au CTM
Membre de la délégation FSU à l’ITC

à
Najat VALLAUD-BELKACEM
Ministre Droits des femmes, ville, jeunesse et sports
35, rue Saint-Dominique
75700 Paris SP 07

Objet : Modalités de répartition et d’attribution des éléments accessoires de rémunération 2014

Madame la Ministre,
L’instance transitoire de concertation placée auprès de votre ministère portera avis demain 9 juillet sur le projet de note de service cité en objet. Le CTM du 10 juillet aura aussi à en débattre. Vous savez que les composantes de l’intersyndicale jeunesse et sports n’y siègent plus depuis des mois, pour des raisons qui vous ont été explicitées le
19 juin dernier.
Après réflexion fédérale, alors que nous voulions nous limiter à une intervention en séance le 9 juillet, nous pensons qu’il vaut mieux laisser trace écrite de notre très fort désagrément à la lecture de ce projet de note de service.
Depuis l’avènement de la RGPP il avait été acté avec l’ensemble des organisations syndicales le principe d’une rencontre de présentation des éléments de ce projet de note annuelle. Cette rencontre, destinée à recueillir les observations des représentants des personnels, se tenait ordinairement plusieurs jours avant le CTM destiné au débat. Pour la première fois depuis 2010 cette réunion préparatoire n’a pas été convoquée. Ainsi nous découvrons ce projet de note pour le moins étonnant. Il se caractérise par une initiative prise sans concertation, sans transparence ni explication en faveur de l’inspection jeunesse et sports (augmentation indemnitaire de 33% en 2014). Certes, depuis 2010, les syndicats, comme l’administration, ont pointé le fort déséquilibre des régimes indemnitaires des versants « santé » et « JS ». La situation de la filière administrative en était et en demeure une illustration. Celle de l’inspection en était une autre allant du simple au double selon les grades. Ces deux filières de l’inspection ont globalement des responsabilités comparables, mais des structures différentes. Celle des IJS offre un niveau indiciaire et architecture de grades plus favorables que celles des IASS. C’est l’inverse pour le régime indemnitaire. D’ailleurs, de notre point de vue, en 2012, le projet de fusion au sein des ministères dits sociaux a capoté en large part parce que l’alignement par le haut du régime indemnitaire n’a pu être assuré.
À Jeunesse et Sports, les syndicats représentatifs des personnels techniques et pédagogiques n’étaient pas demandeurs d’une « convergence » (terme utilisé à l’époque) indemnitaire mais d’une réflexion plus globale sur la refonte des statuts (effets du recrutement au master) et de l’activation enfin effective du corps de débouché des CTPS. La question indemnitaire valait pour gommer des inégalités au sein du réseau JS, pas pour servir l’individualisation des salaires et les logiques de mérite via des primes. Pour la FSU il y a lieu de combiner – pour le devenir des corps spécifiques JS – l’amélioration des déroulements de carrière au lieu de tout miser sur l’indemnitaire.
Il apparaît utile ici de faire un rappel des pratiques indemnitaires sur ces dix dernières années (2004-2014 en intégrant le projet de note) sur les seuls corps spécifiques JS. Il faut en effet comparer ce qui est comparable sur une durée identique. Les indemnités sont modulables de 80 à 120% du taux de base. Ce taux a été réévalué jusqu’à ces dernières années de 120% pour l’inspection et de 103 à 107% pour les autres cadres A et A+. Nous ne traiterons pas ici des régimes indemnitaires de l’administration centrale que nous trouvons parfaitement sibyllins et qui doivent être revisités.

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Corps
Régime indemnitaire 2004
Régime indemnitaire 2014
Variation
CEPJ/PS 4215 € 5640 € 33,8%
CTPS 5190 € (régime créé en 2005) 6915 € 33,2%
IJS 4498 € 8556 € 90,2%
CEPJ/PS 5363 € 10224 € 90,6%

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Sauf erreur dans les sources (tableaux de l’administration) les faits sont là. Les augmentations envisagées pour l’inspection en 2014 (120% du taux 2013) seront possibles « dès publication au journal officiel des textes relevant les plafonds réglementaires concernés », soit après l’avis du guichet unique probablement. Malgré ces augmentations, le différentiel avec le versant « santé » continuera d’exister pour l’inspection. Et le fossé se creusera encore avec les autres catégories de personnels. Cette logique catégorielle, selon nous funeste pour la cohésion au travail, devrait nourrir le fait qu’on ne s’arrête pas en « si bon chemin » en continuant à abonder l’inspection JS jusqu’à sa parité avec les IASS à grades comparables. Nous en faisons le pari.
Votre décision d’augmenter de 33% le régime indemnitaire de l’inspection dans les services claque comme une provocation d’autant plus surprenante que nos premiers échanges ne nous laissaient pas entrevoir une telle orientation de votre part. Cette résorption du décalage entre les IASS et les IJS mérite explications. A-t-elle été préparée à partir de concertations avec les organisations syndicales fédérales ? Si oui, quand et où ? La réunion, oubliée cette année, en amont de l’ITC et du CTM permettait d’exposer, au-delà des lobbyings de couloirs, le sens des décisions à venir.
Cette décision n’est pas seulement catégorielle. Elle a un aspect symbolique. Elle dessine les contours d’un chantier qui n’est pas abandonné : celui de l’unification des corps de l’inspection santé/JS au sein des ministères dits sociaux. Cette revalorisation conséquente de l’inspection JS nourrit les rumeurs persistantes de faire fusionner en les gratifiant les corps de fonctions communes. A contrario, les corps spécifiques atypiques, tels ceux des personnels techniques et pédagogiques sont exposés à la disparition. Ils ne sont pas à rémunérer. Nous sommes au cœur de ce débat. Il n’est pas surprenant de vérifier que nos collègues de l’inspection ont moins de prévention et d’interdits de développement de carrière dans les services issus de la RGPP/MAP et de la RéATE que les CEPJ, CAS, CTS et formateurs. Affirmer ceci pour une fédération ou un syndicat multi catégoriel ne fait que relever du constat. La culture jeunesse et sports est issue des corps techniques et pédagogiques. C’est elle qui souffre. C’est elle qui disparaît. C’est elle qui est laissée pour compte à qualification égale, à déontologie largement équivalente.
Mais derrière cette progression indemnitaire record c’est aussi l’affirmation de la DRH des ministères dits sociaux qui s’affiche, en faveur du corps dont elle pense qu’il est le plus apte à en accepter les contours. Vous ne pourrez pas empêcher les autres personnels A, B, C (cela va au-delà de l’expression de leurs syndicats) de considérer qu’il y a là un choix de bonification en direction de ceux qui ont déjà le meilleur sort. Ce faisant, pour les « décrochés », c’est un autre signal qui en creux est livré. Il est vrai que cette augmentation indemnitaire va alimenter le dogme des primes de fonctions et résultats (ex PFR revisitée RIFSEEP) qui vont d’abord à ceux dont on attend qu’ils servent le système et les gouvernances de l’instant. Heureusement, il demeure des inspecteurs solidaires avec les personnels, au fait de problématiques complexes de travail, qui ne se mesurent pas en primes.
Je voudrais ajouter encore un élément factuel qui va rendre la potion plus amère pour qui n’est pas de l’inspection. Depuis l’avènement de la LOLF, les promotions de grades (accès à la hors classe…) se font à partir de taux d’avancement établis pour trois années en principe. Le corps de l’inspection avait déjà, et de très loin, les meilleurs ratios du réseau JS. Or, en 2013, « contre toute attente », les corps de l’inspection ont vu leurs ratios de promotions considérablement réévalués. Cette mesure était promise par la DRH aux CEPJ qui ont le plus mauvais ratio de la fonction publique d’Etat. Ils demeureront laissés pour compte alors que leur pyramide d’âge est conséquente.
Le « guichet unique » a considéré qu’il fallait accéder à une demande des IJS. La DRH, si elle le veut, pourra vous expliquer ce sinistre scénario où une amélioration urgente de carrière promise aux uns finalement bénéficie à ceux qui avaient déjà les meilleurs taux d’avancement. Il y a dans la systématisation des choix administratifs et politiques quelque chose de dérangeant. Il nourrit un certain discrédit.
Notre organisation n’est pas sur une posture d’opposition stérile. Elle a la volonté d’obtenir des changements sur la forme (le dialogue social) comme sur le fond (les sujets posés). Nous n’ignorons pas les choix gouvernementaux opérés. Nous n’en partageons pas les fondements mais savons ce qu’est un principe de réalité. Budgétaire en particulier. Chaque année, dans les contraintes existantes, des arbitrages sont à rendre. Sur le sujet qui nous intéresse, les rémunérations sont gelées au niveau du point d’indice depuis 2010. Elles sont abondées à la marge sur le plan indemnitaire. Il va de soi que répartir sur moins de 3 000 cadres A/A+ (hors emplois fonctionnels) la masse indemnitaire ne revient qu’à allouer 5 à 6% en moyenne d’augmentation. Mais cette manière de faire relève d’une symbolique plus respectable en période de stagnation ou régression du pouvoir d’achat. Vous ne réussirez pas à convaincre les 150 CTPS, les 2 500 professeurs de sport et 500 CEPJ (hors emploi fonctionnel) que vous pourrez leur accorder, à leur tour, dans les années qui viennent un même niveau de « revalorisation » que celui accordé à l’inspection. Cette promesse serait d’une grande imprudence. Pourquoi avoir pris cette décision ? Où a-t-elle été forgée ? Selon nous elle ne peut être étrangère à des propositions ou arbitrages pris au sein des ministères dits sociaux, de la DRH en particulier. Ce bât continue de blesser au-delà de ce que vous pouvez probablement en convenir ou supposer.
La sagesse voudrait que l’ITC ne statue pas le 9 juillet sur ce volet indemnitaire JS 2014 et que vous engagiez rapidement un plan cohérent et concerté de politique indemnitaire pour réduire des inégalités, au lieu de les creuser de manière contreproductive en affaiblissant encore et toujours des forces vives ne sachant plus vraiment si des repères et des valeurs existent encore.
Veuillez agréer, Madame la Ministre, l’expression de mes sentiments respectueux.

D. HUDE