Les invisibles des rythmes scolaires

Les personnels territoriaux, les animateurs des associations d’éducation populaire, les conseillers
des directions Jeunesse et Sports sont LES INVISIBLES DES RYTHMES SCOLAIRES !

La priorité à l’éducation donnée par le candidat Hollande a recueilli un large soutien, le projet de refondation de l’école porté par Vincent Peillon a suscité de nombreux espoirs, y compris à Jeunesse et Sports et dans les associations d’éducation populaire. Mais, 7 mois après, force est de constater que les espérances sont déçues. Cette réforme n’est qu’une tentative de réparation des dégâts causés par le précédent gouvernement, alors que nous attendions une réelle refondation. L’éducation formelle et non formelle attendait les cadres législatifs et les moyens d’agir au service des valeurs de la République. Aujourd’hui nous n’avons ni les cadres, ni les moyens.

EPA est un syndicat affilié à la FSU qui porte les revendications des fonctionnaires du département ministériel en chargé des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative, et des salariés des associations de ces secteurs. Nous souscrivons à la nécessité de repenser la durée des journées d’école. Nous partageons le choix de renouer avec une semaine scolaire répartie sur 9 ½ journées. Dans le même temps nous pensons que l’éducation de tous se joue tout au long de la journée, et de la vie, c’est à dire que la responsabilité de l’État ne se limite pas aux heures d’ouverture de l’École.

La République a pour mission de combattre les inégalités entre les territoires et les populations. Les catégories les plus pauvres et les plus précaires seront les seules affectées par le moins d’école publique en quantité, durée et qualité. La médiatisation met en avant la dégradation des conditions de travail des professeurs des Ecoles, l’allongement dans les faits du temps de présence des élèves dans les locaux scolaires, l’augmentation sensible des coûts pour les communes. Mais les répercussions sur l’organisation des transports scolaires, les conditions de travail des personnels de services, des personnels de l’animation périscolaire et extrascolaire sont passées sous silence. Ces salariés sont pourtant les victimes collatérales d’une réforme des rythmes scolaires peu et pas assez concertée avec tous les acteurs concernés.

Oui à une réforme des rythmes scolaires pour plus et mieux d’éducation, partagée avec tous les acteurs éducatifs dans le respect des prérogatives de l’École. Mais Non à une entreprise précipitée qui porte en elle trop de points aveugles et de facteurs de dégradation des conditions de travail.

L’ambition éducative est affichée mais contredite par :

  • La non prise en compte des expériences de plus de 20 ans portées par Jeunesse et Sports sur la question des rythmes de vie des enfants, la formation et la qualification des animateurs. Le ministère des Sports, de la Jeunesse, de l’Education Populaire et de la Vie Associative n’a pas été associé à la réflexion ni à l’élaboration des textes. De fait le temps périscolaire est laissé en jachère par l’Etat ;
  • La non prise en compte de l’expérience des mouvements d’éducation populaire, des mouvements de l’éducation nouvelle, complémentaires de l’école dans ce même domaine ;
  • La non prise en compte des expériences pédagogiques innovantes tant à l’école que hors de l’école. Expériences qui, elles, ne dissocient pas les apprentissages « fondamentaux » de disciplines dites « d’éveil » ;
  • L’approche territoriale qui met en concurrence les acteurs, morcelle l’École et renforce l’inégalité des citoyens face au service public ;
  • Le renforcement du rôle des maires ou présidents d’intercommunalités dans la conduite de l’école, au détriment des conseils d’école ;
  • Le renforcement de la mise en concurrence des associations par la logique des délégations de service public pour la gestion des accueils périscolaire ;
  • La fausse avancée de la révision des taux d’encadrement des enfants sur le temps périscolaire par abaissement des seuils du nombre d’adultes par enfant pour atténuer les coûts de rémunération à charge directe des communes ou via les opérateurs privés à subventionner ;
  • La faiblesse des moyens financiers mobilisés pour accompagner cette réforme, leur durée limitée ;
  • La non prise en compte des conditions de travail, d’emploi, de carrière, de rémunération, et des qualifications des personnels éducatifs en charge d’accueillir les enfants en dehors des temps de classe ;
  • Le risque de limiter le rôle des enseignants à l’apprentissage du « lire-écrire-compter » en distinguant les activités scolaires et non scolaires (complémentaires).

Les Projets éducatifs territoriaux et les projets d’école ne peuvent à eux seuls compenser ces insuffisances. Il faut un cadre législatif et réglementaire précis.

EPA n’est pas pour le statu quo. Il ne ferait qu’entériner une École publique malmenée. Si ambition d’un grand projet éducatif il y a, celui-ci doit prendre en considération l’amélioration des conditions d’emploi et de travail de tous ceux qui sont au service des enfants dans le temps scolaire comme dans le temps périscolaire ou  extrascolaire. Un grand projet éducatif ne doit pas donner un point d’ancrage aux risques de territorialisation. Car les inégalités entre territoires s’accentuent. L’École, comme le périscolaire qui lui est lié, doivent être « sanctuarisés », donc tenus à l’écart des pressions politiciennes, des clientélismes et prosélytismes. Sur ces aspects, le décret sur les rythmes scolaires n’apporte pas de garanties tangibles.

Nous revendiquons, dans un cadre législatif à reprendre et à préciser, des moyens pour :

  • Articuler les missions des acteurs de l’éducation en précisant les rôles et attributions de chacun;
  • Institutionnaliser des temps de concertation entre les différents acteurs. Ces temps de concertation doivent être considérés comme des temps de travail ;
  • Rendre obligatoire les déclarations et agréments des accueils périscolaires auprès des services déconcentrés du ministère SJEPVA ;
  • Fixer les conditions minimum d’accueil des enfants sur les temps périscolaires : qualifications des personnels, locaux d’accueil, nombre d’adultes par groupe d’enfant ;
  • Renforcer les moyens des services SJEPVA pour la formation des intervenants, l’accompagnement et le contrôle de ces accueils et activités extrascolaires ;
  • Sortir les partenariats école/associations des délégations de service public et donc de la logique mortifère de la mise en concurrence ;
  • Donner des moyens aux acteurs à travers des lignes budgétaires pérennes ;
  • Entreprendre un cadrage des activités périscolaires, intégrant la question des qualifications, de la professionnalisation et du statut des opérateurs pour préserver des privatisations et externalisations vers le secteur marchand, éviter les mises en concurrence des mouvements et associations laïques complémentaires à l’École.

Pour remettre l’enfant au coeur de l’École il est nécessaire de dépasser la seule question des temps et des rythmes pour penser aux finalités, méthodes et moyens. Les expériences et les ressources sont nombreuses, il appartient d’abord à l’État de les mobiliser, sans se défausser sur les collectivités. L’intérêt des enfants n’est pas dissociable du sort réservé aux salariés qui contribuent à leur éducation.

Télécharger : Tract EPA Rythmes scolaires